Ces enfants “difficiles” : Qu’essayent-ils de nous dire ?

« S’il te plait, apprivoise-moi, dit le renard.Qu’est-ce que signifie « apprivoiser » ? demande le Petit Prince.

Apprivoiser, c’est une chose trop oubliée, ca signifie « créer des liens », dit le renard. (…) Tu n’es encore pour moi qu’un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n’ai pas besoin de toi. Et tu n’as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu’un renard semblable à cent mille renards. Mais si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. 

Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde… »

(Saint-Exupéry, A. Le petit prince, 1959). 

En tant que professionnels de la santé, il nous arrive souvent de recevoir des demandes concernant les comportements dits « difficiles » chez l’enfant : crises de colère, agressivité, violence, hyperactivité, opposition, etc. Ces attitudes inquiètent particulièrement l’entourage et sont souvent le départ d’une demande d’aide.

Mais qu’est-ce qu’un enfant “difficile” ? De quoi les difficultés de l’enfant “difficile” sont-elles le signe ? De quelle sorte de souffrance psychique s’agit-il ? Peut-on la réduire à une seule composante qui expliquerait la difficulté de l’enfant ?  Ne doit-on pas conjuguer dans chaque cas singulier les aspects développementaux et les aspects sociétaux pour mieux comprendre la complexité de chaque enfant dit “difficile” ?  

Une chose est sûre, face au refus de se plier aux exigences et aux règles, l’enfant n’a pas la volonté d’agir contre l’adulte ; il tente seulement, à sa manière, de lui communiquer sa souffrance. En effet un enfant dit « difficile » est avant tout un enfant en souffrance qui essaye de s’exprimer. A travers ces comportements, que tente-il de nous dire ?

Que nous dit un enfant qui montre des comportements agressifs et violents ?

Un enfant dit « agressif » et « violent » se comporte de façon violente et exprime son agressivité par tous les moyens : crises de colère, insultes, casses, etc. Cet enfant ressent un grand manque de contrôle sur lui-même et tente ainsi de le reprendre en étant violent. L’insécurité est importante et il éprouve une grande difficulté à exprimer ses émotions. L’enfant a besoin d’être rassuré et aidé pour comprendre le sens de ses agissements. Dans ce cas-ci, lui accorder un moment privilégié pour qu’il sente qu’il existe aux yeux de l’adulte peut aider à le sécuriser. Il est essentiel de pouvoir garder son calme et favoriser les gestes et le contact pour ensuite l’aider à verbaliser ce qu’il s’est passé.

Que nous dit un enfant qui montre des comportements irrespectueux ?

Nous observons dans ce cas-ci de la provocation, un besoin constant de déjouer les règles, une difficulté à respecter les codes sociaux et parfois associé à de la violence. L’enfant ne montre alors de respect qu’à un adulte privilégié et dénigre les autres. Ces actes témoignent d’un besoin de puissance, de montrer qu’il existe en attaquant et en remettant sans cesse le lien à l’adulte en doute. Il est donc important de ne surtout pas réagir à ces agressions au risque que ce soit l’escalade qui augmente la violence. Garder son calme est nécessaire bien que difficile considérant les attaques. Mettre les limites, reprendre les comportements irrespectueux en expliquant les « enjeux » et le caractère inacceptable de ceux-ci ainsi que leurs conséquences sont primordiales. Se montrer à l’écoute et mettre des mots sur ses émotions peuvent aider l’enfant à prendre conscience de ses actes.

Que nous dit un enfant qui montre des comportements d’opposition ?

Comment comprendre ces enfants qui s’expriment sans cesse par le « NON », qui refusent de participer, s’excluent et veulent constamment avoir raison ? Ils peuvent se montrer arrogant et défendre toujours leurs droits. Ils peuvent aussi se renfermer en évitant tout contact. Ils agissent ainsi par manque de considération, ils ne se sentent souvent pas entendus et ne peuvent faire face à la frustration qu’en se braquant. C’est souvent le signe d’une carence affective et d’une recherche de reconnaissance. Soutenir l’enfant à exprimer la raison de son refus et l’alternative qu’il envisage à celui-ci peuvent l’apaiser. C’est lui donner la possibilité de maitriser la situation tout en respectant des règles claires. Continuer à lui imposer l’activité ne fera que renforcer son comportement.

Que nous dit un enfant qui montre des comportements d’exclusion ?

Dans ce cas-ci, l’enfant s’isole, se renferme et montre très peu d’intérêts et d’envies. Il fuit le regard et il est difficile de rentrer en contact avec lui car il se braque et évite l’adulte. Il peut s’agir ici d’un blocage lié à un sentiment de honte ou de culpabilité. L’enfant se ferme pour éviter d’être jugé ou risquer de mal faire. La confiance et l’estime de soi sont particulièrement fragiles. Il faut donc vérifier que les attentes ne soient pas trop élevées, tenter de le rassurer et de le responsabiliser ainsi que lui laisser le choix de ses attitudes. La valorisation est ici essentielle.

Que nous dit un enfant qui montre un besoin d’attention permanent ? 

Comment comprendre ces enfants qui sont en demande constante qu’on les regarde ? Ils peuvent être envahissants, parler sans cesse, interrompre, coller l’adulte, pleurer et faire des crises.  A l’inverse du caractère précédent, l’enfant socialise très vite et a toujours besoin d’être en lien avec ses pairs et les adultes. Il cherche à ressentir qu’il a une place auprès de ceux-ci. Son sentiment d’insécurité est important. 

Dans tous les cas ;

  • En tant qu’adulte, il faut pouvoir poser des limites claires sans crier, ce qui ne ferait qu’augmenter la crise. Ce sont ces limites qui garantissent le sentiment de sécurité.
  • Garder en tête que l’enfant essaye d’exprimer son mal-être sans pouvoir mettre des mots sur ses émotions.
  • Fixer des objectifs précis et ne cibler que quelques comportements dérangeants pour le sensibiliser au fur et à mesure.
  • Renforcer un cadre sécurisant avec des rituels, des attitudes cohérentes et constantes. 

Bien souvent, ces enfants nous confrontent à notre sentiment d’incompétence en tant qu’adulte et à nos propres limites. Il est parfois difficile de garder son calme et de résister aux épreuves auxquelles ils nous soumettent. 

Sophie de Le Hoye
Sophie de Le Hoye

Psychologue clinicienne et Psychothérapeute d’orientation systémique et familiale.