Et si nous les laissions se tromper ? Rôle de l’erreur dans le développement de l’enfant

flat lay with blank writing sheet pen and crumpled paper balls on top of wooden office desk writer s block or creativity crisis concept top down view

Saviez-vous que de nombreuses inventions ont été découvertes par erreur ? Les cookies, les chips, les post-it et les rayons X sont autant d’exemples d’erreurs devenues des réussites nous rappelant que l’erreur est humaine !

Mais si l’erreur est considérée par les philosophes anciens comme le propre de l’Humanité, peu de place lui est malheureusement encore accordée aujourd’hui dans notre société.  Dans une course effrénée vers les résultats, nous en oublions parfois que se tromper permet d’apprendre. Les erreurs, encore trop souvent soulignées au bic rouge dans le cadre scolaire, sont bel et bien indispensables aux apprentissages et au développement de l’enfant.

En effet, la science a prouvé que le cerveau apprend en se trompant. Le cerveau humain prédit, constate et s’adapte continuellement en fonction des expériences faites par l’enfant. Au quotidien, l’enfant se trompe, recommence, persiste. Puis, un jour, il réussit. Il a alors intégré l’apprentissage. Les enfants ont donc besoin d’expérimenter pour devenir des experts dans la fonction qu’ils sont en train d’acquérir.    

Pourquoi est-il intéressant de laisser un enfant se tromper pour son développement cognitif ?   

« L’erreur est le témoin des processus intellectuels en cours, comme le signal de ce à quoi s’affronte la pensée de l’enfant aux prises avec la résolution d’un problème » (J.P Astolfi). 

 L’erreur permet au cerveau de s’adapter et de se réajuster. Grace aux expériences faites par l’enfant, des tentatives et des essais vont se connecter entre eux pour former des synapses et permettre l’échange d’informations au sein de leur corps. Les synapses vont ensuite permettre l’apprentissage et l’usage de toutes les fonctions nécessaires au développement. L’expérimentation réussie ou erronée va donc permettre le développement et la consolidation des synapses dans le cerveau de l’enfant. Il est essentiel pour le jeune enfant de tester, de toucher et de se tromper. Une erreur dans la réalisation d’une tâche va permettre à l’enfant de réajuster sa manière de faire et de finalement trouver une solution.  D’un point de vue cognitif, l’erreur facilitera l’évaluation d’une performance, d’un écart au but ou encore aidera à la réalisation d’une tâche et au développement des connaissances.  L’enfant se construit en expérimentant et en testant ses capacités.  

Pourquoi est-il intéressant de laisser un enfant se tromper pour son développement psychoaffectif ?  

L’enfant va comprendre et apprendre que face à une difficulté, il est en mesure de trouver des solutions de manière autonome et que la plupart des erreurs peuvent être corrigée. L’enfant sera alors plus enclin à tester de nouvelles expérimentations. Il va s’ouvrir et être curieux. Il n’aura pas de crainte à apprendre de nouvelles pratiques, il pourra faire des choix en confiance, en sachant qu’il pourra toujours réajuster sa posture si cela ne convient pas.  L’enfant a besoin de comprendre que les erreurs sont nécessaires, elles l’aident à mieux prendre conscience de ses forces et de ses difficultés et lui permettent de faire appel à ses propres ressources pour s’adapter à différentes situations. En envisageant l’erreur non pas comme un échec mais plutôt de manière positive, nous donnons toutes les bases nécessaires à l’enfant pour qu’il puisse développer sa confiance en soi et l’encourager au dépassement de soi.  N’oublions pas non plus que nous sommes les premiers modèles de nos enfants et que le rapport que nous entretenons avec nos échecs et ce que nous en faisons participe également à la valence émotionnelle que l’enfant donnera à ses propres échecs.

Quel regard portons-nous sur l’erreur au sein du 213 Centre thérapeutique ? 

Les patients rencontrés au 213 arrivent souvent à nos consultations avec l’idée reçue que « l’erreur » est équivalent à « l’échec » et parfois même qu’elle signifie qu’ils sont porteurs d’un trouble ou d’une pathologie. Leur estime d’eux-mêmes est très souvent touchée face aux erreurs commises dans le cadre scolaire ou face aux apprentissages.  S’il est vrai que certaines erreurs ou contextes dans lequel elles sont produites peuvent être des signes cliniques d’un trouble cognitif, rappelons, nous l’avons vu plus haut, que se tromper et faire des erreurs, est humain et permet d’apprendre. Un enfant peut tout à fait faire des erreurs dans ses apprentissages sans pour autant présenter une pathologie clinique.  

Il est d’ailleurs intéressant d’observer le type d’erreur que l’enfant ou l’adolescent va commettre en consultation. Est-ce qu’il s’agit d’erreurs d’inattention ? D’une erreur de compréhension de la consigne ? D’une erreur de compréhension de la matière ? D’une erreur liée à une émotion ? 

Nous observerons également ce qui aide l’enfant face à l’erreur et s’il arrive à la dépasser avec différents supports (évaluation dynamique). Il est également important pour nous d’évaluer si l’enfant a conscience de ses erreurs, s’il s’en rend compte, s’il est capable de s’auto-corriger ou de se corriger si l’erreur commise est soulignée. Un enfant capable de se corriger a peut-être simplement été trop vite ou s’est montré anxieux face à la tâche proposée.  

Nous sommes également soucieuses du rapport que l’enfant entretient face à l’erreur. Bien souvent, l’erreur est ressentie comme un événement négatif. En effet, comme toute prise de décision implique un choix au risque de se tromper, la peur de faire une erreur peut donc engendrer une absence d’audace ou de décision. Si elle est assimilée à un échec général personnel, elle conduira parfois les enfants et les adolescents à une peur de commettre des erreurs qui peut devenir pathologique. Si d’un point de vue rationnel, il serait parfaitement logique et productif d’accepter d’apprendre de ses erreurs, il existe cependant des biais psychologiques et des facteurs culturels qui nous en empêchent.  

Après tout cela, n’avez-vous pas envie d’apprendre à porter un autre regard sur vos propres erreurs et celles faites par vos enfants ? Rappelons-nous que l’erreur laisse aussi la place à l’inattendu, à la surprise et à la créativité !  


Zoé Campus

Psychologue clinicienne ~ Thérapeute du développement ~ Thérapeute par le Jeu et la Créativité


Melodie Schreiber

Neuropsychologue

La dysrégulation émotionnelle associée au TDAH

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La dysrégulation émotionnelle est souvent associée au TDAH et a d’ailleurs été reconnue dans le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) comme un élément soutenant le diagnostic. En effet, de nombreuses études montrent que les symptômes de labilité émotionnelle sont plus souvent présents chez les personnes présentant un TDAH que chez les personnes qui n’en présentent pas. Rappelons que le TDAH est un trouble neurodéveloppemental caractérisé par de l’inattention, de l’hyperactivité et de l’impulsivité. Pour en savoir plus sur le TDAH, nous vous invitons à lire l’article « Suspicion du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité – TDA/H, illustration de la pluridisciplinarité au 213 ».  


La dysrégulation émotionnelle fait référence à une déficience de la régulation des émotions et reflète des changements émotionnels rapides, excessifs et mal contrôlés en réponse à des événements ou à des interactions avec d’autres personnes et qui reviennent généralement à la ligne de base en peu de temps. Cette dysrégulation émotionnelle se manifeste par une irritabilité accrue, une faible tolérance à la frustration, une agressivité réactionnelle et de soudaines crises de colère.

Au contraire, la régulation émotionnelle peut être définie comme l’ensemble des processus par lesquels un individu évalue, inhibe, maintient ou modifie l’intensité, la fréquence ou la durée de ses réactions émotionnelles afin de présenter un comportement socialement adapté ou afin d’atteindre des objectifs qu’il s’est fixé.

Selon la théorie de Barkley qui est une référence dans ce domaine, le TDAH est caractérisé par des déficits des fonctions exécutives. Les fonctions exécutives sont des fonctions cognitives qui permettent le contrôle de l’information et du comportement grâce notamment à l’inhibition des réponses et des comportements inadaptés. Selon le modèle de Barkley le déficit du contrôle émotionnel observé dans la dysrégulation émotionnelle serait directement lié aux déficits des fonctions exécutives évoqués ci-dessus.

Toutefois ce modèle est actuellement remis en question. En effet une équipe de chercheurs a rapporté les résultats d’études récentes de neuroimagerie. Celles-ci ont montré, aux côtés des atteintes des voies fronto-corticales impliquées dans les déficits des fonctions exécutives, la présence d’altérations fonctionnelles des voies fronto-limbiques impliquées dans la régulation émotionnelle chez des patients présentant un TDAH. Ces données nous éloignent d’une conception purement cognitive du trouble. Ainsi la dysrégulation émotionnelle ne serait pas seulement une conséquence secondaire des déficits des fonctions exécutives mais elle serait une composante indépendante du trouble, contribuant ainsi à sa symptomatologie. Les auteurs soulignent par ailleurs que selon la théorie de Barkley l’intensité avec laquelle un individu montre un déficit d’inhibition comportemental est la même intensité de son déficit d’inhibition émotionnelle. Or tous les sujets présentant un TDAH ne présentent pas des symptômes de labilité émotionnelle.

Ces résultats ont toute leur importance dans la pratique clinique. En effet au sein du 213, nous tenons compte de la possible présence de difficultés émotionnelles associées au TDAH. Nous sommes attentifs également à identifier comment celles-ci contribuent aux difficultés rencontrées par nos patients afin de choisir des stratégies thérapeutiques pertinentes.

Chez le jeune enfant par exemple les manifestations de la dysrégulation émotionnelle sont en général librement exprimées. Celles-ci sont souvent mal comprises par l’entourage et mal gérées. Elles peuvent par ailleurs provoquer un rejet par l’entourage. En grandissant l’enfant peut être tenté de refouler ses émotions ou de les réprimer prenant ainsi le risque de développer une mauvaise image de soi voire un trouble anxieux. D’un autre côté, s’il ne peut contenir ces manifestations émotionnelles, cela peut potentiellement dériver en un trouble plus grave. 

Une partie du travail d’accompagnement au sein du 213 consiste à expliquer au patient et à son entourage son fonctionnement, l’impact du TDAH et de la dysrégulation émotionnelle sur son comportement afin qu’il puisse en avoir une meilleure compréhension. L’accompagnement consiste aussi à soutenir l’entourage et l’enfant/l’adolescent pour qu’ils puissent développer des stratégies permettant un mieux-être au quotidien. Selon l’âge de l’enfant on peut travailler avec lui et lui apprendre à comprendre ses émotions et à les accueillir. Cet accompagnement peut à la fois être proposé par les neuropsychologues du 213 et/ou être soutenu ou complété par le regard des psychologues et psychothérapeutes du 213. 


Luisa Ruiz
Luisa Ruiz

Neuropsychologue

Sources

– Villemonteix, T., Purper-Ouakil, D., Romo, L., (2015). La dysrégulation émotionnelle est-elle une des composantes du trouble déficit d’attention/hyperactivité ? L’Encéphale, Volume 41, Issue 2, pp. 108-114

– www.genepsy.com La dysrégulation émotionnelle (2020).

http://www.tdah-ressources.org

– www.tdah2016.wordpress.com

Fratrie et handicap

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Être frère ou sœur d’une personne en situation de handicap peut entrainer des questions ou des remaniements au niveau émotionnel individuel voire familial. Il nous arrive, comme thérapeutes au 213 d’entamer des suivis individuels pour l’enfant en situation de handicap mais également pour l’un des membres de la fratrie. 

Ayant à cœur de pouvoir soutenir leur enfant à besoins spécifiques, les parents mettent souvent toute leur énergie à entamer des suivis divers et variés pour leur enfant porteur d’un handicap. Face à cette situation, pour certains membres de la fratrie, il n’est pas toujours facile de prendre sa place, d’exister pour soi/par soi et de pouvoir partager avec aisance toutes les émotions plus au moins conscientes qui en découlent. Il est alors important pour nous de pouvoir donner une place spécifique à ces membres de la fratrie parfois mis à distance de toute proposition d’aide. 


L’annonce du diagnostic

La majorité des familles s’accorde pour évoquer qu’il y a un remaniement du fonctionnement familial après l’annonce d’un diagnostic de handicap d’un enfant. Cette annonce peut entrainer des questions diverses pour chacun des membres de la famille. Elle peut aussi entrainer des messages chargés émotionnellement, liés au processus d’acceptation et de digestion de ce diagnostic. 

Parfois, les mots utilisés lors de l’annonce peuvent être clairement compris du frère ou de la sœur qui, par leur maturité intellectuelle et émotionnelle sont en mesure de pouvoir comprendre la réalité qui leur est expliquée. Parfois, les mots utilisés peuvent être accompagnés d’une certaine charge émotionnelle de celui qui l’explique – d’un manque de clarté et d’accordage dans les mots utilisés – ne tenant pas compte du stade de développement du frère ou de la sœur. Cela peut alors créer des préoccupations, les informations n’étant pas suffisamment claires. 

Parfois encore, il n’y a pas de mots mis sur l’annonce. Un silence pour protéger la fratrie, un silence pour protéger la famille. Un silence qui s’installe insidieusement, inconsciemment, par envie de bien faire, par manque d’outils ou encore parce que ce n’est pas le bon moment. Ces silences, à l’origine multiple et variée, peuvent protéger dans un premier temps et devenir source d’incompréhension, de souffrance face à un sujet compris par la fratrie comme étant trop complexe et devenu alors tabou. Le frère ou la soeur, peut alors, faute de réponse sécurisante satisfaisante, être traversé(e) d’émotions spécifiques et se poser des questions dont les parents n’ont bien souvent pas conscience. Ils sont alors pris par des questions parfois difficilement nommables sur : leur impression de responsabilité, les croyances et espérances de guérison, la culpabilité face au sentiment d’impuissance, les inquiétudes quant à la place dans la famille ou encore quant à la disponibilité restante des parents.

Le chamboulement émotionnel

Comme évoqué précédemment, l’annonce du diagnostic entraine un chamboulement important. Bien souvent, c’est la réaction émotionnelle des parents, plus que le diagnostic en lui-même ou la découverte du handicap, qui touche la fratrie. Incompréhension, tristesse, colère, mise à distance, grande sensibilité, optimisme, minimisation, anxiété, honte… sont autant de sentiments qui peuvent traverser l’enfant qui a le sentiment d’avoir «lui, échapper au handicap ». 

Bien souvent, sentant le changement dans la famille et s’identifiant à son frère ou sa sœur en situation de handicap, l’enfant de la fratrie peut contenir ses émotions (pour ne pas surajouter à la gestion familiale) ou, à l’inverse, sortir le trop plein par des crises difficilement contrôlables, comme un indicateur du besoin d’être rassuré sur la légitimité de sa place, lui qui est en bonne santé. 

En parler en famille peut s’avérer une tâche ardue où chacun, centrant son énergie à (re)trouver l’équilibre / son équilibre, n’est plus en lien de façon optimal. La complexité de toute la situation dans son ensemble, au-delà du handicap, peut rendre le dialogue difficile. Alors, certains se taisent, d’autres provoquent le dialogue par la force de leur émotion et d’autres encore arrivent à cheminer en posant quelques questions de temps à autre et parcimonieusement. 

Le chamboulement des liens de famille

Quelles que soient les familles ou la position qu’on occupe dans sa fratrie, il est parfois difficile de trouver sa place. Cette question qui traverse tous les enfants peut s’avérer parfois plus délicate encore lorsqu’un frère ou une sœur est en situation de handicap. 

Toutes les fratries se construisent dans la construction et la rencontre de l’altérité. Les relations fraternelles où le handicap s’invite peuvent présenter des particularités spécifiques, rendant la relation encore plus unique mais parfois également plus complexe. Nous pensons par exemple aux situations relatées par des enfants : « il/elle est dans sa bulle », « il/elle ne m’écoute pas quand je lui parle, il/elle ne sait pas se mettre à ma place », « avec lui/elle je ne sais pas jouer comme avec les copains de classes» … toutes ces phrases montrent la complexité du lien et parfois une sensation de colère/tristesse ou de manque associée. Toutes ces phrases montrent également, que très jeunes, les fratries d’enfants présentant un handicap, sont amenées à côtoyer la différence/la spécificité. Il va de soi que bien accompagné, cette découverte peut s’avérer être une richesse. 

Néanmoins, il se peut aussi que l’enfant de la fratrie ait l’impression, parfois honteuse et teinté de rivalité/culpabilité, d’avoir moins d’intérêt aux yeux des parents. Il peut alors développer de façon inconsciente une rivalité non exprimée pour celui ou celle qui présente un handicap. Celui ou celle qui, par ses besoins d’attention ou de temps important, lui dérobe l’amour parental. Cela peut créer un sentiment d’injustice et de déséquilibre dans la relation familiale et parentale. L’enfant peut alors développer cette impression d’être moins aimé, mis à l’écart ou délaissé au profit de son frère ou sa sœur qui lui semble plus fragile. A l’inverse, l’enfant non porteur du handicap peut également se placer comme une aide précieuse, une ressource, presque un soignant, tant dans la fratrie que dans la famille. S’étant auto-responsabilisé ou ayant été trop rapidement responsabilisé dans le soin à l’autre, il ne peut alors expérimenter tout ressentiment parfois plus négatif, pourtant sain au bon développement de son identité différenciée. L’équilibre peut alors s’avérer précaire. 

Au-delà de ces aspects spécifiques à la fratrie, il va de soi que le rythme de la famille peut être teinté par le handicap et peut laisser aux frères et sœurs une impression d’être différent dans son système familial ou encore face aux autres familles. Enfin et plus globalement, les familles, confrontées au dictat de la normalisation de notre société, se retrouvent face au regard des autres. Sentiment de différence, impression d’être jugées parfois rejetées. Sentiment qu’on réduit leur enfant au handicap, sans voir qui il est dans son entierté / son unité/ avec ses faiblesses mais aussi et surtout ses forces. Sentiment de devoir se justifier, se protéger. Autant d’éléments pouvant entrainer une cristallisation du système familial qui peut, petit à petit, se renfermer sur lui-même, n’ayant pas l’impression d’avoir une place, leur juste place. 

Le travail d’établissement voire de rétablissement d’un dialogue

Les liens familiaux ne permettent pas toujours d’avoir accès au dialogue ou d’entrer dans une réflexion sur les besoins individuels de chacun. Comme expliqué précédemment, le peu de dialogue peut parfois faire émerger des souffrances. Il est alors important de penser à consulter. Les crises ou les moments de bonheurs peuvent également être des portes d’entrées pour l’instauration d’un dialogue. 

Le travail auprès d’un thérapeute, permet de se déposer autour de ce qui préoccupe l’enfant de la fratrie ou la famille. Il peut être un lieu d’écoute des émotions, un lieu neutre et bienveillant d’accueil de tout ce qui se dit mais également de tout ce qu’on n’ose dire. Il peut se faire auprès d’un psychologue individuel, pour un des membres de la famille voire d’un psychologue systémicien, pour un accueil de tout le système familial. 

Au même titre que d’autres difficultés déjà explorées dans ce blog, le handicap au sein d’une famille peut s’avérer être une source de changements et de remaniements de ses conceptions intimes/ famililales / relationnelles. Vivre dans une fratrie où le handicap est présent n’est pas toujours synonyme de souffrance. Au contraire, il peut aussi s’avérer être une source de richesse, de développement de son empathie, de son ouverture au monde, de ses capacités de résiliences. Néanmoins il est possible aussi que de façon plus ou moins transitoire, des difficultés apparaissent sur le plan individuel (« comment avoir ma juste place ») qu’il est important de légitimer. Enfin, légitimer chaque individu dans son système d’appartenance est un premier pas vers une société plus inclusive, chère à nos valeurs au sein du 213. 


Nastassia Novis
Nastassia Novis

Psychologue clinicienne ~ Thérapeute du développement

Quel jeu proposer à un tout-petit de moins d’un an ? Les jouets sont-ils indispensables ?

a baby reaching for a toy

Saint-Nicolas et Noël approchent à grand pas ! S’il est parfois plus facile d’offrir le jouet de ses rêves à un enfant plus âgé, le sélectionnant lui-même d’ailleurs très souvent dans un catalogue de jouets, il peut parfois s’avérer plus difficile de savoir vers quel jouet se tourner pour un tout-petit. Mais d’ailleurs, ces jouets sont-ils tellement indispensables au bien-être et au développement de l’enfant ?

Vous avez très certainement déjà été témoin de scènes où un tout petit s’intéressait davantage aux lacets des chaussures des invités alors qu’il était entouré d’objets et de jouets spécifiques, spécialement conçus pour stimuler et favoriser son développement. Vous verrez qu’on peut très bien éveiller les sens du tout petit, avec presque trois fois rien et que le contenu de nos armoires à la maison sont de véritables cavernes d’Ali Baba pour eux !


Le jeu chez le bébé

Saviez-vous que le jeu est une activité reconnue par l’article 31 de la Convention des Nations unies relative aux Droits de l’Enfant ? Sa valeur, de plus en plus évidente dans le développement, la santé et le bien-être des enfants,  a contribué à la mise en place de politiques gouvernementales visant à s’assurer que tous les enfants aient accès à des expériences de jeu appropriées. 

En jouant, l’enfant développe notamment des capacités essentielles telles que se sentir bien dans sa peau (narcissisme primaire), apprendre qu’il a de la valeur (estime de soi), apprendre à donner et recevoir des sentiments (bagage affectif), renforcer son assurance d’être aimé pour lui-même (sécurité intérieure), apprendre à partager sur ce qu’il ressent (bagage émotionnel). Mais si le jeu participe ainsi au développement social et psychoaffectif de l’enfant, il a également une fonction essentielle dans le développement cognitif, langagier, physique et moteur et ce, dès son plus jeune âge. 

cute toddler playing with wooden rattle

La question du jeu chez le bébé concerne plus particulièrement la période spécifique du développement appelée « sensori-moteur » (0-2 ans) où l’ensemble des échanges avec le bébé passe par le corps. Durant la période sensori-motrice, l’enfant ne joue qu’en présence de l’objet (personne ou jouet).

On peut classer les jeux chez le bébé en deux grandes catégories : 

  • Les jeux « solitaires » où le bébé, seul, manipule des objets ou des parties de son corps. Les jeux solitaires font partie de la stratégie d’appropriation et de connaissance du monde par le bébé, aussi bien de son corps propre que des objets environnants. Ces jeux soutiennent l’éveil cognitif du bébé. 
  • Les jeux avec un partenaire, où le bébé, surtout au début, apparait comme celui avec lequel on joue même si très rapidement, le bébé deviendra un partenaire actif. Les jeux relationnels participent largement au développement des interactions (activités ludiques qui se déploient en dehors des échanges liés aux soins primaires, comme la toilette ou l’alimentation) qui permettent au bébé d’accéder au langage et à la symbolisation et ce, grâce au portage relationnel.

Le jeu n’existe pas sans plaisir partagé, ce qui implique nécessairement l’existence d’interactions parents-enfants, gratifiantes, contenantes et cohérentes. Pour faciliter la lecture des différents jouets existant pour le tout-petit, nous les classons ci-dessous par groupe d’âge mais insistons encore sur toute l’importance de la présence de l’adulte (active, ludique ou dans une attention soutenue) dans la découverte des jouets dans le jeu du et avec le bébé. 

0-3 mois – Interactions et découverte de l’environnement

De 0 à 3 mois, un bébé se montre davantage intéressé et stimulé par le visage et la voix des personnes significatives pour lui que par les jouets. Les interactions que les parents ont avec leur tout-petit comptent beaucoup pour l’amuser et stimuler ses sens. Il a donc à cette période de sa vie, surtout besoin de la présence aimante et chaleureuse de ses parents.

Il commence à peine à distinguer les couleurs, c’est  surtout les contrastes qui attirent son attention. Ses périodes d’éveil étant encore peu nombreuses, il convient d’être attentif à ne pas le surstimuler, lui qui doit déjà beaucoup assimiler toutes les stimulations et découvertes de son environnement. 

Le bébé va apprendre les jeux de bouche. Il va jouer à téter, ouvrir et fermer la bouche, mâcher, mordiller, rythmer le flux du lait, avaler, retenir, lâcher, faire couler, sucer. La bouche est un muscle que le bébé met à l’épreuve et, avec lui, les effets sur son corps et sur ceux qui l’entourent. Les jeux de bouche vont ainsi permettre chez le bébé la construction de son identité corporelle, du sentiment d’être entier. 

Exemple de jeux : 

  • Ses parents qui lui parlent, le bercent, lui chantent des chansons douces, le caressent, le massent, etc; 
  • Les cartes ou livres de contrastes;
  • Doudou ou peluche douce (lavée au préalable et non allergisante). 

Exemple de jeux DIY :  

  • Découper des formes géométriques simples dans du papier noir et les coller sur du papier blanc (ou inversement);
  • Ecouter de la musique douce et mélodieuse.

3-6 mois – Les sens en éveil et la coordination oculo-manuelle 

Au cours de ses premiers mois, un bébé apprend à découvrir son environnement avec tous ses sens. Les objets l’attirent en raison de leurs couleurs, de leur brillance, de leur mouvement, de leurs sons et de leurs textures.  Il les regarde, les touche et écoute les sons qu’ils produisent. Cela stimule ses sens et favorise petit à petit le développement de sa motricité. 

La coordination œil-main est mise en évidence vers 10-12 semaines, lorsque le bébé couché sur le dos porte délibérément ses mains à sa poitrine et joue avec ses doigts. Dans la même période, lorsqu’il est couché sur le ventre, tenant la tête et les épaules de façon constante, il ouvre et ferme ses mains pour gratter la surface de l’endroit où il se trouve, avec une appréciation simultanée de la vue et du son. Un jouet mobile comme un hochet peut être serré et amené vers le visage, mais parfois l’enfant peut se cogner avec le jouet et il se lasse vite au niveau visuel. 

Vers 3 mois, le bébé commence ainsi à s’ouvrir au monde extérieur et à attraper et manipuler les objets. Il voit mieux les jouets. Il distingue les couleurs, son champ de vision s’élargit, il porte les objets à sa bouche et distingue les différentes matières. 

C’est vers 4 mois que les jouets deviennent plus importants pour l’enfant, lorsqu’il commence à pouvoir les saisir volontairement. En effet, vers 18 à 20 semaines, le bébé peut atteindre et saisir le hochet qu’on lui présente, l’observer de façon prolongée et le secouer. Il peut serrer et desserrer des objets alternativement et porter des objets vers sa bouche ou les en éloigner.

Vers 5-6 mois, il aime les objets qu’il peut prendre facilement avec ses mains et encore plus ceux qui font du bruit. Il commence a comprendre la permanence des personnes mais pas encore celle des objets. Quand un jouet tombe de ses mains, sauf s’il reste dans son champ de vision, il cesse d’exister pour lui. 

Exemple de jeux : 

  • Tapis d’éveils, 
  • Mobiles musicaux, 
  • Hochets 
  • Boites à musique
  • Peluches douces, tissus de différentes textures
  • Jeux de dentition, anneaux de dentition
  • Jouets qui flottent dans le bain, 
  • Miroirs, 
  • Livres en tissus.

Exemple de jeux DIY : 

  • Dans un tupperware, placer des guirlandes lumineuses de toutes les couleurs;
  • Sac sensoriel : remplir un sac de congélation d’eau et d’éléments au choix (pompons, coquillages, paillettes, sequins, morceaux de papier aluminium, boutons, petits pois, élastiques de couleur, etc. ), bien le fermer et le scotcher sur le sol ou sur un carton;
  • Sacs sensoriels de différentes couleurs : dans plusieurs sacs de congélation, verser de l’eau avec des colorants alimentaires de couleurs différentes. Bien les fermer et les scotcher au sol ou sur un carton;
  • Sacs sensoriels de saison : remplir plusieurs sacs de congélation d’eau et  y ajouter des feuilles, des fleurs ramassées dans votre jardin ou lors de promenade.  Bien fermer le sac de congélation et le scotcher au sol ou sur un carton;
  • Bouteille sensorielle : dans une bouteille vide, y remplir de l’huile de paraffine et y ajouter les éléments que vous souhaitez (paillettes, sequins, pompons, étoiles, etc.);
  • Accrocher à son arche de jeux un ballon de baudruche légèrement gonflé, du feuillage du jardin, une éponge de douche, des spatules de cuisines de couleur différentes, des foulards de couleurs différentes, etc;
  • Scotcher au sol du papier bulles;
  • Remplir des bocaux avec des pâtes, des pompons, des coquillages, du maïs, etc.;
  • Réaliser un cerceau d’éveil sensoriel.

6 mois-9 mois – Exploration sensorielle et début de la permanence de l’objet

Le bébé poursuit l’exploration de son corps et de son environnement. Les jeux qui permettent la stimulation du toucher sont toujours gagnants. A partir de 6 mois, un tout-petit aime manipuler des objets de différentes formes et de différentes tailles. Ces activités l’exercent à bouger et utiliser ses mains et ses doigts pour saisir les objets. 

Vers 7 mois, le bébé est capable de passer un jouet d’une main  à l’autre avec un relâchement manuel volontaire. Vers 8 mois, il peut tenir assis de façon constante sur le sol, aller chercher des jouets à portée de main sans tomber, et atteindre des objets qu’il visualise. Tout ce qu’il trouve, il le suce, le mordille. Il sait se retourner, attraper ses pieds et tenir assis. Il apprécie de plus en plus le bain qui devient un moment de jeu. A table, il découvre les premiers aliments solides, les petites cuillères. 

La permanence de l’objet se développe autour  de 9-10 mois, et se manifestera par exemple lorsque le tout-petit lèvera un petit coussin pour regarder un objet de jeu caché en dessous. Peu de temps après, il développera ses capacités pour détecter un objet caché.

Au cours de cette période, l’enfant aime par ailleurs combiner simultanément les sensations tactiles et le bruit, en frappant ou frottant des objets. Le bébé apprécie également regarder un livre avec un adulte, il apprécie les images mais également les  livres qui permettent de toucher différentes textures. 

Exemple de jeux : 

  • Doudous, peluches;
  • Hochets;
  • Livres en carton;
  • Tapis d’éveil;
  • Jouets de bain;
  • Anneaux de dentition;
  • Boîte à musique;
  • Jouets de poussette;
  • Culbuto; 
  • Bulles de savon.

Exemple de jeux DIY : 

  • Planter des bâtonnets en bois dans une boite à œufs vide. Votre bébé se fera un plaisir de tous les sortir;
  • Dans un moule à cupcake, cacher des animaux en plastique dans chaque compartiment et les recouvrir de masking tape afin d’inviter l’enfant à les retirer;
  • Insérer des cure-pipes de différentes couleurs dans une passoire et inviter l’enfant à les retirer;
  • Proposer à votre enfant des paniers de « boite à trésors » sur des thèmes différents;
  • Peindre avec du yaourt : mélanger une dizaine de gouttes de colorant alimentaire dans un pot de yaourt;
  • Peindre dans un sac sensoriel : déposer de la peinture de différentes couleurs sur un papier que vous glisser ensuite dans un sac de congélation. Vous fermez le tout et le scotcher bien tout en invitant votre enfant à peindre en appuyant sur le plastique en réalisant des mouvements avec ses mains ou ses pieds.

9 mois-12 mois – Motricité et transition vers l’autonomie

Vers 10 mois, un bébé est plus habile dans ses manipulations et il commence à s’amuser à vider et à remplir à répétition des contenants, à les ouvrir et à les fermer. L’armoire à tupperware devient alors très attirante pour lui. Il s’amuse aussi  beaucoup avec des contenants au moment du bain. A cet âge,  il aime aussi emboiter les objets et construire des tours de blocs. Coller et décoller des velcros est une autre activité que les bébés apprécient et les aide à développer leur motricité fine. Les parcours à obstacles l’amusent également beaucoup et lui permettent d’explorer et de développer sa motricité globale. 

Durant cette période, le bébé commence également à comprendre la communication verbale de ses personnes de référence. Il commence également à trouver un sens à son monde intime et aime regarder et écouter les adultes familiers, être touché, parler et jouer avec eux. Le tout-petit se situe à cette période, entre un besoin de proximité avec ses personnes de référence et un besoin d’explorer, tout en intégrant activité motrice, vivacité sensorielle et satisfaction émotionnelle. 

Les imitations brèves et immédiates indiquent la possession d’une mémoire à court terme chez l’enfant,  poursuivie par la mise en place d’une mémoire à long terme. Toutes sortes de souvenirs sont alors stockés, associés à des expériences somatiques, cognitives et affectives significatives, pour une reconnaissance instantanée, une récupération et un assemblage créatif en cas de besoin.

Exemple de jeux : 

  • ballon, ballons en mousse;
  • Bloc de tissus ou de caoutchouc;
  • Contenant à remplir et vider;
  • Instruments de musique;
  • Jouets à emboîter, empiler; 
  • Jouets à pousser, à tirer; 
  • Jouets présymboliques pour imiter (téléphone, poupée, dinette, etc.); 
  • Livres d’images cartonnés;
  • Miroir incassable;
  • Ourson;
  • Tableau d’activités;
  • Tunnel en toile;
  • Piscine à balles;
  • Petit toboggan;
  • Boite à formes;
  • Animaux en plastique de couleur.

Exemple de jeux DIY : 

  • Coller un grand carré de papier pour recouvrir les cahiers, face collante vers vous. Disposez dans un  panier toute une série d’éléments que l’enfant pourra venir coller dessus (pompons, plumes, morceaux de pailles, yeux, stickers en mousses, etc.);
  • Bac sensoriel comestible : dans un bac en plastique, déposer des céréales loops (ou équivalent) mixés au blender pour constituer votre sable et y déposer dessus des animaux en plastique. Vous pouvez également y déposer des flocons d’avoine colorés avec du colorant alimentaire. Votre bébé pourra ainsi porter à sa bouche les éléments du bac sans danger;
  • Dans un grand bac en plastique, proposer toute une série de contenants et d’objets de la cuisine (bols en plastique, cuillères, tupperware, casserole, etc.) pour réaliser des jeux de transvasement;
  • Emballer des petits objets  (formes géométriques, animaux en plastique, etc.) dans des boules de papier aluminium et inviter l’enfant à les défaire;
  • Coincer des pompons dans un fouet et inviter l’enfant à les enlever.

Conclusion 

Vous l’aurez compris, jouets et jeux d’éveil proposés au tout-petit stimulent ses cinq sens et lui permettent de s’ouvrir au monde et d’appréhender ce qui le constitue. Ces premiers jeux sensoriels sont le dictionnaire du monde du bébé qui ouvrent à la connaissance de soi et de son environnement. Ces jeux vont accompagner les premières séparations du tout-petit (séparations sensorielles, émotionnelles, spatiales, relationnelles, affectives, etc.). Il doit pouvoir jouer alternativement seul et avec un adulte de référence et doit également pouvoir faire l’expérience de l’erreur. En jouant seul, le bébé va se tromper, ne pas réussir et cela lui permettra d’apprendre  sur lui et sur l’objet. Aussi, le jouet sensoriel, de par la variété des expériences ludiques qu’il propose, renforce le sentiment d’être du bébé,  nourrit son narcissisme primaire et fortifie sa sécurité intérieure. 

Le jeu moteur, quant à lui, permet au bébé de multiplier les initiatives. En dominant l’espace, le tout-petit va rencontrer le monde des affects et en jouer. Il apprend ainsi à convoiter le mouvement qui le conduit vers l’autonomie et l’émotion qui s’y attache. Le jeu moteur prend ainsi la dimension d’un acte fondateur dans la construction de la personnalité de l’enfant.

Notons enfin qu’il existe des jouets adaptés pour chaque âge et qu’il ne sert à rien d’offrir à un enfant des jouets complexes s’il n’est pas capable de percevoir les matières, les couleurs, etc. De même qu’un seul jouet suffit pour amuser un enfant et lui donner envie de l’exploiter. Il convient d’ailleurs d’être attentif à ne pas surcharger la chambre ou l’espace de jeu du bébé, ce qui l’empêcherait de jouer. L’idéal est le coffre à jouets ou les paniers qui permettent de laisser quelques jouets à disposition et de ranger les autres.

Zoé Campus
Zoé Campus

Psychologue clinicienne – Thérapeute du développement – Thérapeute par le Jeu et la Créativité

Neurodéveloppement de l’enfant : Vrai ou faux ?

mri images of the brain

Pour démarrer la rentrée scolaire, nous vous proposons un vrai ou faux pour vous inviter à tester vos connaissances en matière de neurodéveloppement de l’enfant ! 

Plusieurs médecins, chercheurs et auteurs démocratisent depuis quelques années, les connaissances en matière de neuroscience et de neuroscience affective en les mettant au service des professionnels de l’enfance, des parents et des professionnels de l’éducation. Le Dr Catherine Gueguen a notamment regroupé plusieurs études récentes sur le sujet.

Voici l’occasion de tester ce que vous avez retenu des idées véhiculées dans les médias, les livres et sur les réseaux sociaux et d’en dissocier le vrai du faux. 


« Lors d’une colère, un enfant de 3 ans peut se calmer tout seul dans sa chambre »

FAUX. Durant ses premières années de vie, l’enfant ne peut pas s’apaiser seul. Quand on le laisse face à  sa détresse ou sa colère, l’amygdale cérébrale active la sécrétion des molécules du stress : le cortisol et l’adrénaline. Or le cortisol est extrêmement toxique pour le cerveau de l’enfant.

D’ailleurs, un taux élevé et prolongé de cette hormone peut détruire des neurones dans des zones essentielles du cerveau : cortex préfrontal, hippocampe, corps calleux, cervelet et conduire, à terme, à de nombreux troubles du comportement (agressivité), à de l’anxiété, à des difficultés d’apprentissage.     

Apaiser les émotions de l’enfant par le contact physique, mais aussi en l’aidant à verbaliser, favorise la maturation des lobes frontaux et des circuits neuronaux. L’amygdale cérébrale, le système nerveux sympathique, la surrénale qui participe à la sécrétion des molécules de stress se mettent alors  au repos. Le taux de cortisol et d’adrénaline diminue. Attention, cela ne veut pas dire qu’un enfant doit éviter à tout prix toute source de frustration et qu’il peut grandir sans limites. Nous développerons d’ailleurs un article à ce sujet le mois prochain.

« Faire du sport n’aide pas un enfant à réguler ses émotions ». 

FAUX. Le sport et la relaxation ont un impact majeur sur la chimie du cerveau et réduisent l’anxiété, l’agressivité et la dépression grâce à l’effet de la sérotonine, la neurodrénaline et la dopamine.

« Un bébé est capable de faire des mathématiques ! »

VRAI. Il est prouvé que les bébés analysent de façon « comptable »  leur environnement. Nous possédons tous, dès la naissance, certaines capacités mathématiques relatives à la perception de la quantité.

« Encourager un enfant l’aide à apprendre »

VRAI. L’hippocampe est l’une des structures cérébrales dévolues à la mémoire et à l’apprentissage. Quand on encourage l’enfant, son hippocampe augmente de volume, ses neurones et synapses se développent mieux, par l’intermédiaire du facteur neurotrophique : il apprend mieux  et  mémorise davantage. En revanche,  quand l’hippocampe est endommagé par un trop fort taux de cortisol, la mémoire et les capacités d’apprentissage sont altérées. 

« Il n’est pas bon de faire trop de câlins à son enfant ». 

FAUX. Les câlins ont des effets très positifs sur le développement de l’enfant. Ils modifient l’expression d’un gène qui renforce l’aptitude à résister au stress et densifie les connexions de l’hippocampe (action sur l’apprentissage, la mémoire). Les câlins font maturer les lobes frontaux, les circuits cérébraux et, de ce fait, agissent positivement sur les facultés intellectuelles et affectives. Les câlins augmentent la sécrétion du facteur neurotrophique, une protéine vitale pour le développement du cerveau. Ils font également sécréter à l’enfant de l’ocytocine, qui favorise l’empathie, l’amour, l’amitié, la coopération et diminue l’anxiété. Enfin, les câlins activent le système parasympathique, qui régule les émotions, apaise, améliore la faculté de penser et  de se concentrer.

Vous l’aurez compris, les câlins ajustés, c’est bon pour la santé, alors surtout, ne vous en privez pas ! 

« L’intelligence d’un enfant est acquise à la naissance, cela ne sert à rien de la travailler »

FAUX. L’intelligence se développe, se travaille, se renforce. Le fait d’apprendre de nouvelles choses va développer les capacités du cerveau. Plus on apprend, plus on crée de connexions entre les neurones. Ces connexions vont aider à développer le cerveau le rendant plus « élastique » (plasticité cérébrale). 

Les neuroscientifiques ont d’ailleurs découverts que le cortex préfrontal (zone dédiée aux responsabilités, planifications, définition des priorités et à la maîtrise des émotions) n’arrive à maturité que vers 25 ans ! 

« L’intestin est le deuxième cerveau de l’enfant »

VRAI. L’intestin est riche de neurones connectés entre eux et colonisés de milliards de bactéries intelligentes qui conduit notre appareil digestif à influer sur nos émotions et donc notre comportement. F. Joly Gomez rappelle d’ailleurs que dans l’intestin, la sérotonine régule l’humeur grâce à un nerf crânien qui permet aux signaux de faire l’aller-retour entre l’intestin et le cerveau. L’alimentation du bébé, du jeune enfant et de l’adulte également, influe sur notre comportement. G. Enders a d’ailleurs écrit le célèbre livre « le charme discret de l’intestin » à ce sujet. 

« A l’adolescence, cela n’est plus utile de corriger ses erreurs »

FAUX. Il est toujours important de repérer ses erreurs lors d’une évaluation ou d’un contrôle, de les corriger afin  de comprendre pourquoi l’erreur a été commise et ensuite de mémoriser la bonne réponse ou le bon raisonnement. Ces stratégies relèvent de la métacognition. Il est essentiel de mettre à jour ce qui a été enregistré dans notre mémoire pour ne pas commettre les mêmes erreurs et ce, dès les premiers apprentissages.

L’expression « on apprend de ses erreurs » est tout à fait juste ! 

« A 5 ans, un enfant qui fait tout le temps des colères est un enfant capricieux ! ».  

FAUX. Avant 5 ou 6 ans, l’enfant ne peut contrôler seul ses émotions, son cerveau n’est pas encore mature et ses tempêtes émotionnelles (joie, tristesse, peur) ont toujours besoin d’être accompagnées par un adulte bienveillant, empathique, maternant et affectueux. Cette attitude permet à son cerveau de maturer. Attention, à nouveau, nous attirons votre attention sur les risques de laxisme et l’importance capitale de maintenir des limites et d’offrir un cadre à l’enfant. Nous vous renvoyons à nouveau à l’article du mois prochain à ce sujet.

« Jouer développe le cerveau »

VRAI. J. Pansepp, le grand spécialiste des circuits cérébraux du jeu rapporte que le jeu et le plaisir qui l’accompagne modifient l’équilibre émotionnel de l’enfant en stimulant la sécrétion d’endorphines et permet la densification des neurones.  

« Pour réussir à l’école, l’enfant doit renforcer ses automatismes ».

FAUX. Olivier Houdé a théorisé le principe d’inhibition cognitive qui permet de résister aux habitudes, aux automatismes, mais également aux distractions afin de s’adapter à des situations complexes. Selon Olivié Houdé, le défaut d’inhibition peut expliquer des difficultés d’apprentissage (erreurs, biais de raisonnement, etc.) et d’adaptation, tant cognitive que sociale. Pour s’adapter, l’enfant doit apprendre à sortir de ses habitudes en inhibant ses réflexes liés à l’habitude. Le cerveau des enfants est capable de cette inhibition et nous, adultes, pouvons les accompagner en éduquant à l’inhibition (pédagogie du cortex préfrontal). Il est du devoir des adultes de soutenir et de comprendre la logique des erreurs des enfants plutôt que les critiquer, les punir ou se moquer d’eux. 

« L’infobésité » est un nouveau terme qui signifie les risques pour l’enfant du trop plein d’informations véhiculés par notre société »

VRAI. Les neuroscientifiques disent clairement que quand le cerveau est informé, il est programmé pour agir. Quand un enfant reçoit une information (et un adulte aussi d’ailleurs) sans pouvoir rechercher et comprendre les causes et agir (faire des recherches, lire un article sur le sujet, regarder un documentaire, faire  un  don, etc.) l’information reçue est vécue comme une pollution sonore et visuelle et donc anxiogène. 

« Il ne faut jamais laisser un bébé de mois de 6 mois pleurer seul dans son lit ». 

VRAI. Il est important de répondre aux pleurs de votre enfant. Il ne vous manipule pas, il ne pleure pas volontairement et ne fait pas des caprices. Il pleure toujours pour dire quelque chose (il est peut-être stressé, contrarié, fatigué, il a chaud, il a froid, il a mal, etc.). Notre travail en tant qu’adulte est de comprendre pourquoi il pleure, et à réagir de façon adaptée. Les pleurs lui permettent de se déstresser et d’attirer votre attention (contrairement aux animaux, le bébé ne peut pas se débrouiller seul, il lui est impossible de fuir quand il a peur, de se nourrir quand il a faim). Ne pas répondre aux pleurs d’un tout petit sur du long terme déclenche la sécrétion de cortisol (molécule de stress). Par ailleurs, à répétition, le bébé risque d’intégrer que pleurer ne sert à rien, puisque personne ne répond. Il va donc intérioriser ses inquiétudes, ses peurs, ses angoisses, ses colères et peut s’enfermer sur lui-même. Il risque de prendre l’habitude de ne plus exprimer ce qu’il ressent, ayant appris de façon précoce que malgré ses alertes, il ne trouve pas de réponse à ses besoins.

Attention, à nouveau cela n’est en rien une information qui se veut culpabilisante pour les parents. Nous insistons sur le caractère répété et à long terme qui peuvent induire un état de détresse chez l’enfant.

« A 3 ans, cela ne sert à rien de demander à un enfant de nous aider à faire le ménage »

FAUX. Pour développer les fonctions exécutives des enfants, il faut laisser la place à l’autonomie de l’enfant dès son plus jeune âge. N’hésitez pas à encourager votre enfant à faire seul certaines tâches. Avec l’aide de petites tâches du quotidien, l’enfant pour atteindre l’objectif donné devra se concentrer (contrôle inhibiteur), se souvenir de comment on fait (mémoire de travail), et ajuster son comportement en cas d’erreur (flexibilité cognitive). 

« Apprendre des poésies par cœur améliore la mémoire de l’enfant ». 

FAUX. La mémoire n’est pas un muscle. Il importe de renforcer les stratégies de mémorisation (ex : la visualisation, la métacognition, les images mentales) plutôt que d’apprendre par cœur. Si on apprend à un enfant comment mémoriser, cela sera utile mais l’apprentissage par cœur n’augmentera pas ses performances mnésiques.  


Conclusion

Les récentes études en neurodéveloppement et en neurosciences affectives nous enseignent l’importance que joue l’environnement sur le développement du cerveau des enfants et des adolescents et tout l’intérêt que les parents et professionnels ont à s’intéresser au fonctionnement cognitif général des enfants pour assurer leur développement et leur bien-être.

Mais si les neurosciences nous informent et outillent davantage les adultes sur les connaissance de l’enfant, il convient d’être attentif à ne pas tomber dans une culpabilisation des parents ni à glisser dans les extrêmes. Les éléments transmis ci-dessus ne sont pas des guidelines à suivre au pied de la lettre. Il est évidemment très important de toujours tenir compte d’un tas de facteurs inhérent aux situations singulières de l’enfant et de sa famille et de ne pas hésiter à se référer à des professionnels avisés en cas de doutes ou de souffrance.

Enfin, permettre aux enfants d’apprendre à connaître le fonctionnement de leur cerveau et le développement de ce dernier leur offre la possibilité d’avoir conscience du potentiel évolutif (de sa plasticité) de leur cerveau. Dans le livre « ton fantastique cerveau élastique »,  la psychologue J. Deaket invite d’ailleurs les enfants à découvrir  les neurosciences, l’anatomie et le fonctionnement de leur cerveau. Ainsi, face aux difficultés rencontrées par exemple dans le cadre des apprentissages, la confiance peut se renforcer chez l’enfant !


Mélodie Schreiber
Mélodie Schreiber

Neuropsychologue


Zoé Campus
Zoé Campus

Psychologue clinicienne ~ Thérapeute du développement ~ Thérapeute par le Jeu et la Créativité

La stimulation des précurseurs de la communication

photo of a boy reading book

Saviez-vous qu’avant que l’enfant puisse communiquer par des mots, il est nécessaire qu’il acquière plusieurs habiletés et comportements pour arriver à parler ? En effet, le langage s’enracine dans la communication préverbale et dépend fondamentalement de l’accès à l’intersubjectivité. 

Dès la naissance, le bébé communique à l’aide de précurseurs de la communication. Il s’agit de comportements communicatifs qui apparaissent avant le stade des premiers mots. Les précurseurs langagiers comprennent le contact visuel, l’imitation motrice et verbale, l’attention conjointe, l’attention auditive, les demandes non verbales, les tours de rôle, la communication intentionnelle et le jeu symbolique


Langage et communication

Absent à la naissance, mais entendu et reconnu par le nouveau-né, le langage se développe durant les trois/quatre premières années de vie (si des pathologies physiques ou psychiques ne viennent pas troubler son acquisition). Les principes fondamentaux qui structurent le langage sont universels à toutes les langues et inscrits dans le code génétique comme un programme offrant à chacun l’aptitude à devenir un sujet parlant. L’enfant qui ne présente aucune déficience des organes cérébraux, sensoriels et phonatoires, dispose de la faculté d’apprendre à parler ; mais ceci n’est pas suffisant pour qu’apparaisse et se développe correctement le langage. L’affectivité et la richesse du bain linguistique dans lequel il va baigner, sont autant d’éléments déterminant à l’acquisition des mots. Enfin, il ne suffit pas, à l’enfant, d’acquérir seulement un code linguistique qui serait un « parler mécanique » sans émetteur ni destinataire, mais il doit développer un langage signifiant pour devenir sujet et parler aux autres de façon communicative. 

Comment stimuler les précurseurs à la communication ?

En jouant ! Et oui, le jeu permet à l’enfant d’apprendre et de développer un tas de fonctions essentielles à son développement dont le langage fait partie. Il y a toute une série de jeux simples auxquels vous pouvez jouer avec votre enfant et dès lors, indirectement « travailler » la parole et le langage. L’apprentissage du langage ne doit pas être fait dans un environnement structuré mais au sein d’activités ludiques quotidiennes de plaisir partagé. 

Comment stimuler le contact visuel ?

Le contact visuel est la capacité à établir un contact oculaire avec l’autre et à le maintenir. 

Idées d’activités : 

  • Jeux de cache-cache : l’adulte cache son visage avec un drap, l’enfant doit tirer sur le drap pour découvrir son visage et essayer de capter le regard de l’adulte. 
  • Jeu de câlins musicaux : l’adulte met de la musique pendant quelques minutes. À l’arrêt de la musique, il s’approche doucement de l’enfant, le salue et lui dit « bonjour, allo, bon matin, salut, etc. », accompagné d’un câlin.
  • L’adulte met un objet signifiant sur son visage afin d’inciter l’enfant à le regarder (ex : lunettes géantes, nez de clown, gommettes, …). 
  • L’adulte appelle l’enfant en se mettant dos à lui et le félicite lorsqu’il pose le regard sur lui.
  • L’adulte attire le regard de l’enfant sur des bulles.

D’un point de vue langagier, le contact visuel permet d’informer sur l’articulation des sons et sur l’expression faciale et de vérifier si le message est compris via des indices non verbaux (attention de l’interlocuteur). 

Comment stimuler l’imitation ?

L’imitation est l’acte de reproduire, de façon identique, ce qui vient d’être produit oralement ou gestuellement. Elle se développe progressivement. Avant 6 mois déjà, l’enfant imite le parent lorsqu’il voit que celui-ci l’imite. 

Idées d’activités : 

  • Pour stimuler l’imitation motrice : comptines répétitives avec des gestes simples (ex : « tape, tape, tape » (taper des mains), « pique, pique, pique » (piquer le doigt dans la paume inverse), roule, roule, roule (agiter les mains en geste de roulade), « cache, cache, cache » (mettre les mains sur les yeux)), imiter l’enfant face à un miroir et l’inciter à imiter (« gros sourire ! », l’inciter en touchant doucement les coins de sa bouche).
  • Pour stimuler l’imitation verbale : reprendre les vocalises de l’enfant, faire des onomatopées (« boum, c’est tombé »).

D’un point de vue langagier, l’imitation permet de comprendre l’usage des mots. Il s’agit d’un moyen non verbal de communiquer et elle développe les intentions de communication. 

Comment stimuler l’attention conjointe ?

L’attention conjointe est la capacité à alterner le regard entre un objet et le regard de l’adulte, de façon à communiquer son intérêt envers l’objet regardé. Elle se développe par étapes successives. Tout d’abord, le bébé suit le regard de l’adulte. Ensuite, il pointe l’objet qui l’intéresse puis il parvient à regarder en alternance l’objet/l’adulte. 

Idées d’activités : 

  • Se tourner vers l’enfant lorsqu’il appelle pour l’inciter à comprendre que, lorsqu’il fait une demande, l’adulte se tourne vers lui
  • Orienter son attention vers un objet, d’abord un objet qu’il apprécie, en le pointant ou en appelant l’enfant. Ex : faire des bulles, pointer les bulles en lui demandant de regarder. 
  • L’adulte éclaire un objet que l’enfant regarde avec une lampe de poche puis il éclaire son visage pour attirer le regard de l’enfant. 
  • Proposer des jeux et des activités de partage (ex : aliments coupés en deux, manger tous les deux, en même temps, chacun prend un morceau). 
  • Faire des jeux d’échange : ballon, voiture, …

D’un point de vue langagier, l’attention conjointe permet d’intégrer le concept de « référence commune » (nous communiquons à propos du même objet) et d’encoder correctement le vocabulaire. 

Comment stimuler l’attention auditive ?

L’attention auditive est le fait de sélectionner un bruit dans son environnement et de s’y intéresser.

Idées d’activités :

  • Éliminer les sources de bruits qui pourraient nuire à l’attention de l’enfant (télévision, radio, etc.). 
  • Appeler l’enfant dans son dos et faire attention à ce qu’il se retourne puis le féliciter. 
  • Utiliser des objets sonores (tambour, grelot …). 
  • Se procurer des casse-têtes à encastrer sonores (ex : animaux de la ferme) et des lotos sonores.

D’un point de vue langagier, il est nécessaire d’être attentif aux sons pour les imiter. Lorsque l’enfant écoute avec attention, il acquiert des sons, développe son vocabulaire et sa compréhension. 

Comment stimuler les demandes non verbales à l’aide du pointage ?

Le pointage est un geste permettant à l’enfant de désigner un objet de son doigt en regardant le visage de son interlocuteur. Il tend alors son doigt vers un objet pour signaler son intérêt pour celui-ci. 

Le pointage nécessite la présence et l’acquisition de l’attention conjointe.  En effet, pour que l’enfant comprenne que, lorsqu’il pointe, l’adulte comprend son intention, il faut que son attention conjointe soit installée. 

Idées d’activités : 

  • Pointer un objet en le touchant et prendre la main de l’enfant à sa place. Lorsqu’il regarde, pointer en direction de l’objet. S’éloigner progressivement.  
  • Utiliser les outils numériques.
  • Inciter à désigner : « montre-moi … »
  • Désigner les objets : « regarde… » et pointer.
  • Utiliser des bulles de savon : quand il touche une bulle, elle éclate.
  • Utiliser des imagiers (s’il ne comprend pas les dessins, utiliser des vraies photos). 

Comment stimuler le tour de rôle ?

Le tour de rôle désigne l’alternance d’une activité entre plusieurs participants (jeu, action, parole).

Idées d’activités : 

  • Utiliser un instrument de musique. Prendre, par exemple, un xylophone et une baguette pour deux. 
  • Utiliser un seul pinceau pour deux lors d’une activité de peinture.  
  • Jeux d’échange : un ballon, une voiture. L’adulte est assis sur le sol, face à l’enfant, il pousse une voiture ou un ballon vers l’enfant et dit « Go » ou « Partez ». Lorsque l’objet arrive près de l’enfant, l’inciter à le pousser à son tour en lui disant « Go », « Partez ». 
  • Ne pas dire le prénom de l’enfant, mais dire « à toi, à moi ». 
  • Souligner les mots « à ton tour, à mon tour, à toi, à moi, … » dans les activités de la vie quotidienne (« Je mélange la sauce, puis c’est à ton tour », appuyer d’un geste). 

D’un point de vue langagier, la compréhension du tour de rôle permettra à l’enfant de comprendre les tours de parole dans une conversation. Cela rendra l’enfant disponible pour les modèles verbaux que l’adulte lui donnera. 

Comment stimuler la communication intentionnelle ?

La communication intentionnelle apparaît lorsque l’enfant a une intention précise qu’il désire transmettre, lorsque l’enfant souhaite faire des demandes à l’autre.

Idées d’activités : 

Exemple de gestes sur naitreetgrandir.com/fr
  • Inciter le besoin de communiquer. 
  • Ne proposer qu’un morceau de la collation afin qu’il sollicite l’adulte pour obtenir l’autre moitié (à l’aide de pointage, de pleurs, …). Il est nécessaire de répondre rapidement à cette sollicitation. 
  • Oublier de donner un objet requis pour l’activité (ex : pas de peinture, uniquement un pinceau). 
  • Donner un objet mécanique difficile à activer afin qu’il doive demander de l’aide. 
  • Interrompre l’activité en cours afin qu’il fasse une demande pour qu’elle se poursuive. 
  • Proposer peu de jouets à la fois. 
  • Mettre un jouet qu’il aime à sa vue, mais hors de sa portée, attendre qu’il pointe ou qu’il s’anime avant de le lui donner. 
  • Ajouter des gestes à la parole afin qu’il vive des succès en communication et qu’il développe sa parole. Rem. : les gestes ne ralentissent pas le développement du langage, mais le soutiennent. 

D’un point de vue langagier, si l’enfant à des difficultés communicationnelles, il aura tendance à éviter de parler ou de communiquer. Il doit donc être incité à transmettre ses désirs afin de vivre des succès par rapport à la communication. Pour développer ses habiletés langagières, l’enfant doit communiquer de manière intentionnelle. 

Comment stimuler la permanence de l’objet ?

La permanence de l’objet est la capacité à trouver un objet caché. L’enfant comprend qu’un objet ou une personne qui n’est plus visible continuent à exister. Elle apparaît entre 4 et 8 mois et se poursuit jusqu’à 18 et 24 mois où il devient capable de conserver une représentation mentale de l’objet. 

Idées d’activités : 

  • Jouer à « coucou-caché » : cacher son visage avec les mains devant le bébé en disant coucou et ouvrir pour révéler le visage en disant « beuh ». 
  • Cacher le visage de l’enfant sous une couverture.  
  • Cacher un objet sous la couverture. 
  • Cacher des objets sonores. 
  • Choisir une boîte transparente, l’enfant voit l’objet intérieur, puis utiliser une boîte un peu plus opaque, puis une boîte opaque. Rem. : il est important d’utiliser des objets que l’enfant apprécie.
  • Fabriquer une boîte de permanence de l’objet (http://howiplaywithmymome.fr/boite-permanence-objet-jeu-bebe-a-fabriquer/).

D’un point de vue langagier, l’enfant a besoin de comprendre qu’il peut demander un objet même lorsqu’il n’est pas présent dans son environnement.

Comment stimuler le jeu symbolique ?

Le jeu symbolique désigne l’activité de « faire semblant ». Il s’agit de la capacité à détourner l’utilisation d’un objet.  Le jeu de faire-semblant apparaît vers 18 mois. 

Idées d’activités : 

  • Proposer une palette d’objets réalistes qui font partie de scénarii quotidiens (cuisinière, poupée, biberon, etc.). S’il ne comprend pas, jouer à sa place et progressivement, il créera ses jeux à lui.  
  • Utiliser des objets du quotidien et en faire des usages multiples (ex : faire une tente à l’aide d’un drap, un château avec des coussins, pêcher sur un drap étendu au sol, faire de la musique avec des couverts en bois et des casseroles, utiliser un grand carton comme maison, etc.).

Vous l’aurez compris, l’origine des troubles du langage, aussi profonds soient-ils, est toujours à rechercher avant les mots, au niveau du fonctionnement des toutes premières interactions.

Pour conclure, nous attirons votre attention sur le fait que si plusieurs précurseurs à la communication ne sont pas présents vers 18 mois, il pourrait être pertinent de contacter le 213 enfants, adolescents, famille afin d’écarter toute difficulté dans le développement de votre enfant.

Adeline Hanzir
Adeline Hanzir

Logopède

« Des bonbons ou un sort » ~ Même pas peur de la peur !

children holding a halloween design buckets

La fête d’Halloween est, chaque année, l’occasion pour les enfants de récolter des bonbons, de se déguiser et de faire la fête mais surtout, de faire face à leurs plus grandes peurs. 

La peur est une émotion naturelle qui accompagne la prise de conscience d’un danger extérieur. Elle se manifeste aussi bien chez les humains que chez les animaux. La peur est fondamentale et universelle en agissant comme un système d’alarme, permettant à l’individu d’attiser sa vigilance et de mettre en place des réactions de défense. 


Comment la peur se développe-t-elle chez l’enfant ? 

Les premières expériences de peur surviennent très précocement dans la vie. La peur est une émotion « primaire » (de base ou universelle) parmi les premières émotions que vivent les enfants. Les six principales émotions (joie, tristesse, dégout, peur, colère et surprise) apparaissent d’ailleurs au cours de la première année de vie de l’enfant.  

Les nourrissons lorsqu’ils sont confrontés à des bruits soudains ou à une sensation de chute, expriment leur peur par des cris, des pleurs ou des mouvements incontrôlés. Il s’agit là d’une peur primaire, d’origine physiologique plus que psychologique. Ensuite, émergeront les peurs relatives aux dangers réels ou imaginaires, qui menacent le lien entre l’enfant et son milieu protecteur. Le contenu de ce type de peurs est remarquablement similaire d’un enfant à l’autre et leurs déplacements constitue un enjeu pour le développement affectif de l’enfant. 

  • 0-6 mois : Peur de tomber, perte d’appui, peur des bruits forts, peur d’objets entrant brusquement dans son champ de vision.
  • 7 mois – 1 an : angoisse de séparation, d’abandon, peur des visages inconnus, peur des bruits forts.
  • 1-4 ans : peur des bruits forts, peur des animaux (grands chiens), peur du noir, peur d’être seul, peur des changements dans l’environnement, peur du père noël, peur des clowns, peurs pssagères.
  • 5-6 ans : Peurs spécifiques (médecins, voleur, etc.), peur des animaux sauvages, peur des monstres, peur des fantômes et créatures surnaturelles, peur d’être seul.
  • À partir de 7 ans : peurs plus réalistes, peurs générées par l’actualité comme la peur qu’un parent meurt, peur d’un accident, peur d’une catastrophe naturelle. 
  • Adolescence : peur autours de l’évaluation négative de son entourage. Peur de l’embarras, peur de l’échec scolaire ou des relations intimes, peur de la mort, peur de son apparence physique. 

Durant l’enfance, les peurs apparaissent et disparaissent. Elles reflètent généralement les étapes de la maturation du psychisme de l’enfant. 

Avoir peur de la peur

La peur survient donc lors de la confrontation, réelle ou imaginaire, à l’objet redouté. Mais, les enfants peuvent également développer la capacité à anticiper les dangers, qui donne naissance aux premiers sentiments d’anxiété. En d’autres termes, la peur de la peur. A nouveau, l’anxiété est un phénomène normal qui permet de se préparer à la survenue d’un événement stressant et de mobiliser ses ressources pour y faire face. Au fil des années, l’enfant apprendra à identifier les situations qui lui font peur et qui le rendent anxieux et, il apprendra également à y faire face. 

Il peut toutefois arriver que la peur et l’anxiété deviennent incontrôlables, excessives et perturbent le fonctionnement quotidien. On parlera alors d’anxiété pathologique, voire de troubles anxieux si les symptômes correspondent à une entité clinique spécifique.

Bouh ! 

En dehors des peurs classiques que l’on retrouve chez la plupart des enfants dans leur développement, il existe également des « peurs acquises ». Ces dernières peuvent être une réelle source de souffrance pour l’enfant, renvoyant généralement à une situation déjà vécue par l’enfant. On entend par « peurs acquises », les peurs dues à un choc, un événement traumatisant ou effrayant dont l’enfant a pu être témoin ou victime, pouvant laisser des souvenirs lourds. 

Mais il arrive aussi parfois que certains enfants reproduisent les attitudes ou les comportements de leurs parents et développent dès lors les mêmes peurs qu’eux. 

Enfin, d’autres enfants rapportent qu’ils n’ont peur de rien ! En réalité, très souvent, ce sont des enfants qui nient toute peur et qui ont tellement peur de leur(s) peur(s), qu’ils préfèrent ne pas la ressentir et la refouler au fond d’eux. 

Comment les aider à affronter leurs peurs ? 

Même le jour d’Halloween, il n’y a pas de réponse toute faite à cette question. Les peurs font partie de la vie et l’enfant va, au fur et à mesure, apprendre à composer avec cela. Cependant, comme nous avons un peu peur des mauvais sorts au sein du 213 Centre thérapeutique, nous avons plutôt décidé de remplir le chaudron d’Halloween du lecteur, de quelques bonbons : 

  • Prendre au sérieux la peur de l’enfant et respecter son émotion ;
  • Accepter et comprendre la peur de l’enfant ;
  • Favoriser l’expression de ses émotions pour apprendre à les maîtriser ;
  • Augmenter le sentiment de contrôle de l’enfant sur la situation ;
  • Dédramatiser et parler de ses propres peurs lorsqu’on était enfant ;
  • Renforcer son courage (lui rappeler les situations où il n’a pas eu peur) ;
  • Utiliser des médias pour parler de la peur et jouer avec la peur (jeux, dessins, histoires, etc.) ;
  • Ne pas hésiter à consulter si cela prend trop de place et se cristallise. 

Ces quelques pistes sont une invitation à accompagner l’enfant face à ces peurs mais nous vous invitons à garder en tête qu’apprendre à affronter ses craintes est une étape importante du développement de l’enfant. Chaque enfant parcourra cela à son rythme, avec le bagage qui est le sien. Vouloir à tout prix faire disparaître les peurs de l’enfant ne l’aidera dès lors pas à les apprivoiser. 

Il ne nous reste plus qu’à souhaiter à tous les petits et grands enfants (et leurs parents) de bien s’amuser, de jouer et d’apprivoiser leurs peurs lors d’Halloween.

Zoé Campus
Zoé Campus

Psychologue clinicienne ~ Thérapeute du développement ~ Thérapeute par le Jeu et le Créativité

Représentation de soi dans l’enfance

carefree girl spinning in park

« A partir de quel âge mon enfant a-t-il conscience de lui-même ? » 

 « Qu’est-ce que j’ai fait pour qu’il n’arrête pas de s’opposer ? »  

« Pourquoi ne peut-il pas s’excuser auprès de son frère/sœur ? »

« Pourquoi veut-il jouer à papa et maman ? » 

« Il est toujours en demande de contacts avec ses camardes, n’est-il pas bien à la maison ? » 

« Comment se représente-il ? » 

Toutes ces questions peuvent trouver une partie de leur réponse au regard de la construction et de la représentation de soi. La notion de représentation de soi est largement répandue dans le champ de la psychologie. Représentation de soi, connaissance de soi, perception de soi ou encore sentiment de soi sont autant de concepts renvoyant à l’auto-perception qu’un individu peut avoir de lui-même. Cette notion multidimensionnelle varie en fonction de différents facteurs comme les traits de personnalité, les valeurs, les normes et les modes de fonctionnement d’un individu mais également les stades de développement durant l’enfance. 

Ayant à cœur d’éclaircir le sujet, nous avons décidé dans cet article de faire correspondre, pour chaque stade de développement ce que traverse l’enfant dans l’émergence de sa représentation de lui-même. A différent moment de son développement, l’enfant prendra appui sur divers éléments pour construire, petit à petit, cette représentation qu’il a de lui-même ainsi que son sentiment d’exister. 


Nourrisson, représentation de soi et accordage interactif

L’aube de la représentation de soi est liée à la naissance de la vie psychique. Le nourrisson étant un être de sensations brutes au départ (sensations de faim, douleurs, plaisir) passera dans un premier temps par une fusion nécessaire à l’adulte qui répondra à ses besoins. Durant cette phase de fusion, le nourrisson n’a pas encore accès à une représentation de lui. Petit à petit, grâce à la réponse adaptée et de qualité à ses besoins, il sortira des sensations indifférenciées et de ce fonctionnement en fusion pour se créer un sentiment continu d’exister selon Winnicott.  

Les protopensées décrites par Bion, sont liées à des vécus sensoriels (comme la faim). Elles vont faire émerger des émotions dites primitives (le manque ou le plaisir). Petit à petit, la réponse à ses vécus sensoriels et la satisfaction associée vont permettre au nourrisson de se créer des préconceptions sur lequel il peut s’appuyer comme tuteur de développement. Ainsi, l’accès à une pensée un peu plus construite permettra alors au nourrisson de développer les prémisses de la séparation nécessaire pour explorer le monde environnant sur base d’un attachement sécurisant.  

Dans un contexte de sécurité relationnelle en cours d’acquisition, le jeune enfant peut alors apprendre, petit à petit, à se séparer de l’adulte, grâce au fait qu’il puisse se reposer sur les réponses adaptées de l’adulte à ses besoins mais également grâce à des préconceptions qu’il aura intériorisées. Commence alors le travail d’ébauche de ce moi subjectif, c’est-à-dire de cette existence propre, différente de celle de son parent au sens d’un « j’existe moi-même et je veux ». 

C’est à la fin de cette période que l’enfant peut commencer à exprimer son désir propre et donc également son refus, repousser une main qui veut le caresser ou la cuillère pleine de nourriture. Il entamera la phase de découverte du monde environnant par la marche à quatre pattes, la station debout et également la marche. Il observera de plus en plus ce qui se passe autour de lui et affinera son anticipation face aux réponses de l’environnement. 

Seconde étape durant la première enfance – La confirmation de soi

Selon l’Ecuyer, c’est entre 2 et 5 ans que l’enfant passe par une phase de renforcement du concept de soi. Cette étape de confirmation de soi s’opère via différents processus : le langage, les comportements ainsi que les activités identificatoires. 

Au niveau langagier, l’enfant complexifiera son rapport à l’autre en signant ce qui lui appartient. Des utilisations langagières émergent de plus en plus souvent telles que les pronoms personnels et possessifs « je », « c’est mon mien », « à moi ». Ce passage par cette période spécifique plus autocentré est nécessaire afin de pouvoir présenter une position différenciée de l’autre, et donc, plus individuelle.

Au niveau comportemental, l’enfant peut chercher le contact à l’autre afin d’apprendre à définir ce qu’il veut ou non. C’est durant cette période que l’émergence de la phase d’opposition ou d’affirmation de soi sera la plus importante. 

Au niveau des jeux ou des identifications, il tentera de s’identifier à un autre que lui afin de s’affiner différentes parts de son identité. (jouer à papa et maman, jeu du « faire comme l’autre », jeu du docteur…).

Tous ces processus lui permettent d’entrer dans différentes subtilités signant alors son affirmation de lui, son moi objectif, afin d’apprendre à faire cohabiter son existence propre face au monde qui l’entoure. Il est alors parfois difficile pour lui de se mettre à la place de l’autre (un parent, un autre enfant) tant son énergie psychique se situe dans une confirmation de lui-même. 

Troisième étape durant l’enfance – L’expansion de soi

Entre 5 ans et 12 ans, l’enfant développe sa propension à s’investir, petit à petit, en dehors de la sphère familiale où il va apprendre à se définir au travers d’autres systèmes d’appartenance (l’école, les mouvements de jeunesses, les activités péri-scolaires ou extra-scolaires…)

C’est à cet âge-là que certains enfants demandent à avoir plus de contacts avec des amis. L’école, les loisirs, les groupes d’activités sont autant de lieu qui favorisent l’émergence du processus d’expansion de soi. L’enfant va acquérir des capacités et compétences, apprendra de ses difficultés, développera ses intérêts, connaitra de mieux en mieux ses limites. 

Toutes ces expériences lui permettront de développer son moi psychologique, c’est-à-dire, ses spécificités individuelles et propres, ses modes de fonctionnements et ses traits de personnalité. Ce nouvel accès à ce moi psychologique nécessite également une réorganisation de sa représentation idéalisée de lui-même (« je sais que je ne sais pas tout faire, tout avoir, tout vouloir »). 

Parfois, l’émergence de cette expansion de soi, si elle n’est pas en accord avec la représentation idéale que l’enfant a de lui-même peut entrainer des signes d’anxiété, de souffrance voire de tristesse. Parfois aussi, l’expansion de soi de l’enfant tel qu’il est peut venir perturber la représentation idéale d’un parent qui ne pensait pas que son enfant allait avoir certains traits typiques de sa propre personnalité. L’accordage alors entre représentation idéale et représentation réelle s’entrechoquent ce qui peut créer des désaccords ou de la souffrance.

En conclusion

Nous sommes persuadés que partager le point de vue de l’enfant au niveau développemental, permet aux adultes qui l’entourent de modérer leurs attentes, de comprendre ce qui traverse l’enfant et d’offrir alors un ajustement dans la relation.  

Il est évident que tous les processus précédemment expliqués sont dépendant de valences individuelles mais également relationnelles. De plus, ces processus de maturation de la représentation de soi dépendent également du développement mental avec la maturation du système nerveux, de l’exercice et de l’expérience acquise par l’action et le corps, des bains d’interactions sociales. 

Il s’agit donc d’une notion globale et complexe. Et certains enfants peuvent avoir besoin de l’aide de professionnels afin de mettre en lumière à la fois les processus émotionnels/identitaires/relationnels d’une part mais également les processus cognitifs et maturationnels d’autre part pour les aider dans l’émergence ou l’affinement de leur représentation d’eux-même. 


Nastassia Novis
Nastassia Novis

Psychologue clinicienne & Thérapeute du développement

Et si nous ajoutions l’ennui dans les valises des vacances ?

girl holding bucket on seashore

Notre société valorise une utilisation efficace du temps et condamne l’ennui. Nous le pourchassons, essayant sans cesse de nous occuper pour ne pas sombrer dans cet état fantomatique. Sophie Marinopoulos (psychanalyste) dit d’ailleurs à ce sujet que « l’ennui est devenu un symptôme qui transforme l’homme en l’ombre de lui-même, en un être inhabité ». Dans nos représentations, l’ennui est vu comme le vide, le rien, caractéristique de l’enfant râleur ou de l’adulte fardeau qui ne veut rien faire de sa vie.

Ceci est peut-être d’autant plus vrai après cette année de confinement où beaucoup de parents tentent d’occuper les enfants durant les vacances pour les sortir de l’ennui. Entre les stages, les activités, les cours, etc. certains enfants ont un agenda bien rempli sans beaucoup de temps libre. Et si le temps libre et ne « rien faire » durant les vacances pouvait, mine de rien, être bénéfique à l’enfant ?


L’ennui favorise la créativité de l’enfant

C’est même prouvé scientifiquement. Lorsque des scientifiques ont proposé à des enfants d’effectuer d’abord une activité pénible (recopier à la main une longue liste de numéros de téléphone), avant de leur demander de lister tout ce qu’il était possible de faire avec deux gobelets. Les enfants qui avaient recopié tous les numéros de téléphone trouvaient bien plus d’idées que ceux qui n’avaient pas eu à se soumettre à cette première étape ennuyante. S’ennuyer aide ainsi l’enfant à stimuler sa créativité. Quand un enfant est seul et qu’il s’ennuie, c’est l’occasion pour lui d’être à l’écoute de son monde intérieur, de ses envies et de ses goûts. C’est lorsqu’il n’a rien a faire qu’un enfant va stimuler sa créativité pour créer, trouver un jeu, inventer des histoires. Le rêve et la créativité offrent ainsi à l’enfant une libération du quotidien.

L’ennui développe l’imaginaire de l’enfant

L’ennui permet à l’enfant de voir la réalité différemment. Un enfant qui s’ennuie remarque des détails qui lui échapperaient s’il était occupé. Dans la campagne publicitaire « laissons une petite place à l’ennui » lancée par Yapaka en 2018, on peut voir un enfant assis qui s’ennuie devant le spectacle de la pluie qui s’écoule sur la vitre du jardin. Et c’est justement parce que cet enfant s’ennuie, qu’il observe le trajet de la goutte d’eau qui descend le long du carreau de la fenêtre. Il pourra alors inventer toute une histoire de cette goute d’eau s’il a l’occasion de vivre ces moments seul.

L’ennui permet à l’enfant d’apprendre à s’aimer

Lorsqu’il s’ennuie, un enfant s’habitue aussi à jouer seul. Il apprend ainsi à décider par lui-même. Cela lui permet de se sentir plus en contrôle de son environnement et de développer sa confiance en soi. Apprendre à être bien avec soi-même est un art qui se perd dans un monde où tout le monde est constamment en contact avec les autres notamment grâce aux nouvelles technologies. Il est important que l’enfant apprenne à jouer seul sans se sentir délaissé. Au lieu de voir le « vide » comme un ennemi à combattre, apprenons à nos enfants à cultiver le bonheur dans ces moments où il se retrouve seul. La difficulté à jouer, rêver, créer (Winnicott) peut être liée à une incapacité à être seul, et refléter une difficulté de séparation; jouer seul suppose en effet de pouvoir se séparer de l’adulte.

L’ennui participe au développement de l’autonomie

L’ennui démontre que l’enfant éprouve le besoin vital d’être accompagné, animé, stimulé dans sa curiosité, dans son élan de vie. Il veut échapper à tout prix au vide de l’absence. Le parent le rejoint dans cette quête en lui accordant en retour un « tout-amour », une présence entière, légitime. Structurellement, l’enfant refuse d’être seul, tout comme il refuse, en grandissant, qu’on ne l’occupe pas. Il est néanmoins important que l’enfant développe la « capacité à être seul ». S’arrêter à la plainte de l’enfant quand il s’ennuie revient à le priver de la possibilité d’en faire quelque chose. Lui proposer une activité quand il s’ennuie c’est ne pas croire en sa capacité à dépasser son sentiment de solitude. C’est mettre du « plein » à sa place, en accentuant sa dépendance future.

En effet, quand un enfant arrive à jouer seul dans ses moments d’ennui, il développe également son autonomie. Une qualité qui va l’aider toute sa vie à bien fonctionner. Un enfant capable de faire des choix et de se débrouiller par lui-même prend confiance en lui. Il est mieux outillé pour prendre des décisions et sent aussi que ses parents ont confiance en lui. Le simple fait d’être capable de trouver une activité à faire lui fait prendre conscience qu’il est apte à prendre des initiatives. Et cette forme d’indépendance est valorisante pour lui.

L’ennui développe la résolution de problèmes

Le temps passé à s’ennuyer améliore la faculté de décision des enfants qui se mettent à considérer l’ennui comme un problème auquel il faut trouver une solution. On peut ajouter que c’est généralement en s’ennuyant dans leur baignoire ou devant une feuille blanche que beaucoup de grands mathématiciens sont parvenus à trouver la clé des problèmes..

L’ennui participe à développer la sociabilité

Des psychologues de l’Université du Texas ont en effet, découvert un rôle social à l’ennui. S’ennuyer, c’est envoyer aux autres des signaux indiquant que vous recherchez du changement et de la stimulation, et leur indiquer plus ou moins consciemment que vous compter sur leur appui pour sortir de votre état. L’ennui permettrait ainsi de tisser du lien social.

Terreau essentiel au développement psychique

Vous l’aurez compris, en grandissant, l’enfant apprend à apprivoiser ces moments de « rien » : d’abord désœuvré, son esprit vagabonde, il imagine un ailleurs, dessine un futur, rêve de folles aventures… et le voilà parti de rien, en pleine créativité. Il découvre le plaisir de faire germer quelque chose qui trouve sa source en lui. Et mis bout à bout, ces temps vont l’aider à se construire, à prendre conscience de lui-même, lui permettre de faire connaissance avec son environnement, de découvrir qui il est, ce qu’il aime, ses aspirations pour plus tard. Nombreux sont les adultes qui peuvent témoigner que ce sont des moments d’ennui qui leur ont d’ailleurs permis de se découvrir une passion (écrire, dessiner, lire, photographier, etc.).

Pour conclure

  • L’ennui appartient à un rythme relationnel qui structure la psyché de l’enfant.
  • L’ennui offre à l’enfant un espace-temps qui lui permet d’expérimenter son environnement et les objets qui le composent.
  • Créer du temps pour l’ennui, c’est offrir des temps de pensée à l’enfant.
  • Accepter l’ennui, c’est reconnaître à l’enfant à l’adolescent des aptitudes créatives.
  • L’ennui est la rencontre avec soi-même, ses ressources et ses limites.
  • L’ennui délimite et construit.
  • L’ennui conduit à une sécurité intérieure à l’origine de l’autonomie psychique, à la liberté d’être soi, au bonheur.

Sophie Marinopoulos (psychanalyste)

L’ennui n’est pas une perte de temps mais bel et bien une activité créative. Lorsque l’enfant se confronte à l’ennui, il développe son imagination et sa créativité en faisant appel à ses propres ressources. C’est également un moment au travers duquel il peut développer des capacités d’observation qui sont un moyen de découvrir, d’apprendre et de comprendre le monde qui l’entoure tout en se connectant à ses émotions. S’ennuyer permet ainsi d’apprendre, de découvrir, de jouer et de rêver, activités essentielles au développement de l’enfant .


Zoé Campus
Zoé Campus

Psychologue clinicienne et Thérapeute du développement

Les troubles alimentaires de l’enfant

composition of spoonfuls with various spices for healthy food preparing

Le comportement alimentaire est très complexe et se développe déjà in utéro, via l’ingestion de liquide amniotique dont le goût varie selon l’alimentation maternelle.

Les troubles alimentaires peuvent se présenter à tout âge, dès les premiers jours de vie jusqu’à l’adolescence. Dans cet article nous ne parlerons pas de ceux de l’adolescent tels que l’anorexie mentale et la boulimie. Nous nous focaliserons sur ceux qui touchent les plus jeunes, le plus souvent avant 6 ans, dont on parle beaucoup moins dans les media, et qui pourtant sont beaucoup plus fréquents qu’on ne le pense.

L’origine des troubles alimentaires

« Mon enfant ne mange rien », « il ne mange que des pâtes et du pain », « il n’a jamais faim », « il est tellement dégoûté par la nourriture qu’il peut avoir la nausée rien qu’à l’odeur ou la vue du repas », … Tant de plaintes que l’on entend de la bouche des parents lors de consultations centrées sur l’alimentation des enfants.

L’alimentation semble être un comportement inné. Pourtant il est l’un des plus sensibles à l’environnement : le lieu et les circonstances du repas, la relation existant entre la personne qui nourrit ou assiste au repas et l’enfant, les personnes qui mangent avec l’enfant, le moment du repas, ou encore tout simplement ce qui est présenté à l’enfant comme aliments et comment. Tout cela influence la façon dont l’enfant se nourrit et dont il perçoit le moment du repas. De plus, se nourrir nécessite plusieurs compétences spécifiques comme la coordination succion-déglutition-respiration, des aptitudes sensorielles, et un développement psychomoteur adéquat. 

Les troubles alimentaires peuvent donc être causés par la déficience de l’une de ces compétences (on parle parfois d’une origine « organique » ). Mais ils peuvent aussi survenir chez des enfants qui n’ont aucun problème de santé, qui sont a priori tout à fait capables de manger, mais qui présentent malgré tout des difficultés à se nourrir (qu’on qualifie parfois d’origine « comportementale »). Il est important de préciser que ce n’est pas forcément soit organique, soit comportemental. Dans certains situations les troubles sont d’origine multifactorielle. 

Prenons par exemple le cas des bébés prématurés : ils n’ont par définition pas encore acquis toutes les compétences organiques nécessaire pour s’alimenter de manière autonome à la naissance. Ils sont très souvent alimentés de manière artificielle au moins en partie. De plus, ils peuvent présenter des complications médicales sévères (respiratoires, digestives, …) pouvant aggraver leurs difficultés alimentaires. Le parcours néonatal peut être long et difficile, également au niveau psychologique et relationnel tant pour le bébé que pour ses parents. A plus long terme, il a été reconnu qu’ils étaient plus à risque de développer des troubles du comportement alimentaire, même une fois que les problèmes « physiques » sont résolus. Ces situations illustrent bien la complexité de la problématique et la nécessité de retracer l’histoire de ces enfants en détails.

Classification

La classification des troubles du comportement alimentaire (TCA) chez l’enfant est encore vague. Il n’est d’ailleurs pas toujours nécessaire de mettre une étiquette précise sur chaque enfant. Mais il est intéressant de voir que la connaissance scientifique au sujet de ces troubles grandit, et qu’il est apparu une nouvelle catégorie diagnostique dans la dernière version (2013) du livre de référence des maladies mentales (appelée DSM-5) : les troubles évitants ou restrictifs de l’alimentation (plus connu sous son acronyme anglais ARFID pour Avoidant and Restrictive Food Intake Disorder). Il est défini comme un trouble de l’alimentation ou de l’ingestion d’aliments qui se manifeste par une incapacité persistante à atteindre les besoins nutritionnels et/ou énergétiques appropriés, et qui n’est pas du à une pathologie organique concomitante.

Parallèlement à la classification du DSM-5, plusieurs auteurs se sont prêtés à l’exercice périlleux de décrire ces différents troubles alimentaires du jeune enfant. Les termes retrouvés varient donc selon les sources. De manière arbitraire et non exhaustive, inspirée notamment de la classification d’Irene Chatoor, voici quelques situations fréquemment rencontrés dans les consultations de nutrition pédiatrique :

  • L’anorexie du nourrisson : elle se manifeste entre 6 mois et 3 ans, avec un pic entre 9 et 18 mois. Ces bébés semblent ne jamais avoir faim, et ne mangent pas ou peu. Leur comportement alimentaire est très dépendant de l’environnement. Il y a généralement une origine psychologique et relationnelle à explorer. Les parents développent souvent de nombreuses stratégies pour faire manger l’enfant : diversion, distraction, forçage, négociation, chantage, punition…
  • L’aversion alimentaire : dans certains cas, les troubles alimentaires sont plutôt dépendant des aliments présentés. Il y a des aliments dits « copains » qui sont consommés sans difficultés, et tous les autres qui sont systématiquement rejetés. On peut observer des troubles sensoriels associés, comme refuser de toucher certaines textures, alimentaires ou non, avec les mains mais aussi avec les pieds (marcher dans le sable ou l’herbe par exemple).
  • L’enfant « petit mangeur » : certains enfants ne sont pas sélectifs. Ils mangent de tout, mais les quantités consommées sont particulièrement restreintes. Dans la majorité des cas, leur croissance n’est néanmoins pas impactée : ils grossissent et grandissent normalement, bien qu’ils soient en général plus minces que les enfants du même âge.
  • Les troubles alimentaires post-traumatiques : contrairement aux autres TCA, l’apparition est très brutale. Les parents décrivent que c’est arrivé « du jour au lendemain ». Cela survient après un événement traumatisant pour la sphère ORL ou le tractus digestif comme un épisode de « fausse-route » (l’enfant avale de travers et suffoque), ou un simple vomissement, mais aussi après certains actes médicaux comme la pose d’une sonde nasogastrique ou une intubation.

Il est important de noter que certains comportements alimentaires sont normaux dans les stades du développement de l’enfant et ne sont pas pathologiques à moins qu’ils ne s’inscrivent dans la durée. Par exemple, aux alentours de l’âge de 2 ans, on parle de « néophobies alimentaires ». L’enfant rechigne à goûter de nouveaux aliments. Il préfère ne manger que ce qu’il connaît. 

Par ailleurs, les enfants en âge scolaire n’ont souvent pas d’attirance pour les légumes, encore moins s’ils sont verts. Ils trient leur assiette. Ils ne sont pas pour autant considérés comme des enfants présentant des TCA.

Prise en charge

Dans tous les cas, la première question à évaluer par le médecin est « la croissance est-elle impactée ? ». Si oui, il y a une relative urgence à remédier au problème. Dans certains cas, de bons conseils diététiques permettent de rétablir une prise de poids correcte. Dans d’autres, une nutrition « artificielle » (par sonde nasogastrique le plus souvent), sera mise en place pour combler le déficit des apports ingérés par la bouche.

Si les courbes de croissance sont régulières et rassurantes, il faudra s’assurer qu’en termes qualitatifs l’alimentation orale est correcte et qu’il n’y a aucune carence (en fer ou en vitamines par exemple). C’est souvent le cas des alimentations sélectives : la quantité totale de calories est en général suffisante, mais les besoins spécifiques en micronutriments ne sont pas couverts.

S’il y a des troubles sensoriels associés, il est intéressant d’impliquer un.e logopède, kinésithérapeute, ou ergothérapeute, pour aider à désensibiliser la sphère orale. Dans les cas sévères, on passe d’abord par une ré-éducation sensorielle non alimentaire (tactile ou motrice).

Enfin, dans tous les cas, il faudra également explorer l’origine des troubles comportementaux et relationnels. L’aide d’un.e psychologue est souvent précieuse pour comprendre ce qui se joue durant les repas entre l’enfant et ses parents.

Conclusion

En guise de conclusion, nous voyons que les troubles du comportement alimentaire sont différents pour chaque enfant, d’origines multifactorielles et complexes . Ils nécessitent une évaluation complète, un suivi attentif et régulier, et une prise en charge multidisciplinaire.

Si vous avez des inquiétudes ou des questionnements concernant l’alimentation de votre enfant, n’hésitez à contacter la pédiatre-nutritionniste de notre centre, le Dr Zoé Ouchinsky.


Dr Zoé Ouchinsky
Dr Zoé Ouchinsky

Pédiatre spécialisée en nutrition