Suspicion de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) – Illustration de la pluridisciplinarité au 213 (Episode 2)

Le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité TDA/H est le diagnostic à la mode des années 2000. On en entend parler un peu partout : à l’école lors des réunions avec les enseignants, entre parents, à la radio, à la télévision, dans les journaux, etc. 

Par ailleurs, l’agitation et les difficultés de concentration des enfants sont en effet encore aujourd’hui des motifs réguliers qui poussent les parents à consulter mais, trop souvent, ces jeunes patients sont rapidement étiquetés de « TDA/H » ou « d’hyperactif ». S’il est vrai que l’hyperactivité (agitation persistante, chronique) constitue le symptôme le plus visible et le plus aisément repérable, il ne constitue toutefois pas le fondement du diagnostic et peut refléter un tout autre tableau clinique. 

Nous illustrerons au travers de cet article, la démarche diagnostique que nous proposons au sein du 213 centre thérapeutique lorsque nous rencontrons un enfant pour suspicion de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) après une brève introduction des notions d’attention, de concentration et d’agitation chez l’enfant et une  présentation de ce qu’on appelle le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H). 


Concentration, agitation et développement 

Attention/Concentration

Se concentrer demande un effort mental, surtout pour un tout petit. Afin de rester concentré,  un enfant doit se forcer pour garder son attention sur sa tâche précise et ne pas se laisser distraire. Comme cela demande un effort, l’enfant va apprendre à la développer. La capacité de concentration de l’enfant va ainsi augmenter au fur et à mesure qu’il grandit. Il est toutefois impossible de dire le temps de concentration auquel un parent doit s’attendre selon l’âge de l’enfant. En effet, avant 5 ans, la capacité de concentration varie beaucoup d’un enfant à l’autre. Cela peut aller de seulement quelques secondes à 2 ou 3 minutes d’attention en continu (sans se lever, sans demander de l’aide, ni déplacer son attention sur autre chose).  Selon la personnalité et les goûts de l’enfant, la capacité de concentration peut aussi être plus  ou moins grande. 

Il convient de ne pas confondre attention et concentration ! L’attention permet à l’enfant d’être réceptif à ce qui se passe autour de lui. Contrairement à la concentration, cela se fait sans effort, parfois même de façon involontaire. Toutefois, ce n’est pas parce qu’un enfant n’arrive pas à garder son attention sur une tâche, sans se laisser distraire par ce qui se passe autour  de lui, qu’il a un trouble de l’attention. Plusieurs autres symptômes doivent être présents, comme nous le verrons plus loin, pour poser un diagnostic de trouble de l’attention.

Mais il est toutefois vrai aussi que dès l’âge de 2 ans, les premiers signes du TDAH peuvent apparaître. Certains parents observent même des signes dès la naissance ou les toutes premières semaines de vie. Par contre, il est aussi possible de n’avoir rien remarqué avant l’âge scolaire de l’enfant : des formes plus légères de TDAH ou des formes prédominées par des symptômes d’inattention sont souvent dépistées tardivement. 

Par ailleurs, le fait que les parents aient tendance à s’ajuster spontanément aux besoin de leur enfant peut également avoir camouflé les symptômes. Chaque enfant étant unique, plusieurs évolutions sont possibles. 

Agitation/hyperactivité

Bien qu’il soit normal pour un tout petit de bouger et de ne pas être concentré sur un jeu très longtemps, certains enfants sont  plus actifs que d’autres. Rappelons que les enfants sont tous différents et que certains n’arrivent pas à s’asseoir calmement une minute ou deux alors que d’autres peuvent regarder avec attention un livre. Certains tout-petits de 3  ou 4  ans courent, sautent et grimpent au parc alors que d’autres jouent tranquillement avec un seau et une pelle. Ce n’est pas pour autant qu’ils présentent un TDA/H. 

Gardons en tête que la plupart des enfants, avant 4 ou 5 ans, ont du mal à rester en place pour  de longues périodes de temps. Si un enfant semble plus actif qu’un autre, cela peut  d’abord s’expliquer par son tempérament. Chaque enfant a une constitution et des traits de caractère distincts, et c’est ce  qui fait de chacun un être unique. 

Par ailleurs, un enfant qui grandit dans une famille dynamique et active aura également tendance à aimer les activités qui « bougent ». Mais aussi, certains parents ont par ailleurs un niveau de tolérance plus grand à voir leur  enfant bouger alors que d’autres parents les incitent plus rapidement au calme.  

Il convient donc d’être prudent avant de parler de difficulté de concentration ou d’hyperactivité et ce, surtout chez un enfant d’âge préscolaire. Nous allons le voir, le diagnostic de TDA/H est un diagnostic difficile et complexe, qui regroupe une série de critères et une évaluation clinique approfondie réalisée par des professionnels aguerris. 

TDA quoi ? 

Le trouble du déficit de l’attention (TDA) avec (TDAH) ou sans (TDA) hyperactivité est un trouble neurodéveloppemental comprenant une inattention et/ou une hyperactivité – impulsivité cliniquement significatives (APA, 2013). C’est un trouble qui affecterait 7,2% de la population et serait associé à des altérations significatives du fonctionnement scolaire, social et/ou professionnel (Thomas et al., 2015 & APA, 2013). D’autres auteurs précisent que la prévalence moyenne chez les enfants  seraient aux alentours de 5% et de 2,5% chez les adultes (Polanczyk, De Lima et al. 2007). Les symptômes et retentissement se manifestent généralement tôt dans la vie et sont chroniques (Barkley, 2015). 

Voici les symptômes que l’on retrouve chez les patients TDA/H : 

L’inattention qui correspond à une tendance excessive à la distraction qui se manifeste souvent de manière insidieuse, déroutante, voire sélective et occasionnelle. Le patient rencontre des difficultés à trier et hiérarchiser les diverses informations qui atteignent son cerveau (mécanisme inconscient). Il a du mal à détourner son attention de stimuli dits « perturbateurs », qui sont le plus souvent liés à l’environnement extérieur comme les bruits, une animation, un mouvement, etc. mais peuvent aussi être d’origine interne comme ses émotions, ses pensées, ses idées qui fusent, etc. Cela se traduit par des difficultés à maintenir son attention sur les activités en cours, une grande distractivité, une tendance à l’hyperfocalisation en particulier pour les tâches stimulantes et susceptibles de lui apporter une gratification immédiate, des oublis très fréquents, ainsi que du mal à suivre des instructions et des consignes dans leur intégralité, une mauvaise gestion du temps, des difficultés de planification, etc.

L’hyperactivité motrice est augmentée et désordonnée chez un enfant atteint de TDA/H par rapport aux enfants du même âge. Elle est le plus souvent désorganisée et non constructive (agitation permanente, instabilité, nervosité, incapacité à tenir en place). Les patients passent d’une tâche à l’autre sans vraiment les terminer, parlent beaucoup, sont continuellement en mouvement, dans le besoin de multiplier les activités. Elles recherchent fréquemment les sensations fortes, prennent des risques, ont souvent des tempérament explosifs et des difficultés à se détendre. 

L’hyperactivité intellectuelle est retrouvée chez les patients atteints de TDA/H et correspond à une fuite des idées appelée « tachypsychie » constituée d’une pensée superficielle passant d’un sujet à l’autre sans lien évident pour l’entourage, jouant avec les mots, se distrayant très facilement. Ils ne peuvent fixer leur attention que peu de temps sur un sujet précis et il est donc extrêmement difficile pour un tiers de suivre leur cheminement intellectuel. 

L’impulsivité est également retrouvée chez les patients TDA/H, caractérisée par des difficultés à inhiber les actions verbales, motrices, cognitives ou émotionnelles. Le patient agit ou parle sans réfléchir aux conséquences de ses actes ou de ses paroles, a de grandes difficultés à attendre pour obtenir ce qu’il veut, laisse échapper la réponse à une question qui n’est pas encore totalement formulée, interrompt ou couple la parole à ses interlocuteurs, impose sa présence dans les discussions, tout cela sans chercher pertinemment à importuner son entourage. 

Le patient ne peut pas arrêter les pensées hors contexte qui viennent le distraire alors qu’il travaille. Il a des gestes brusques et rapides, souvent maladroits, il modèle très difficilement ses émotions par la raison. 

Pour être considérés comme des symptômes, ces comportements doivent être présents depuis l’enfance (avant 12 ans), doivent être présents dans deux environnements au minimum et impacter significativement le fonctionnement du patient. Le patient doit présenter au moins six des neufs symptômes d’inattention et/ou d’hyperactivité/impulsivité décrits par le DSM-V. Le diagnostic de TDAH est posé sur base de l’omniprésence des symptômes et de leur retentissement au quotidien. 

Établir le diagnostic de TDA/H est difficile car, prises isolément, les manifestations du trouble peuvent être présentes chez bon nombre de personnes et fluctuent en fonction des situations de vie et des spécificités de chacun. Le diagnostic est essentiellement posé sur base d’une évaluation clinique approfondie. Celle-ci permet d’établir les antécédents complets du patient, d’évaluer l’intensité de ses symptômes et leurs répercussions sur la globalité de sa vie. Le diagnostic du TDA/H se base sur des éléments objectifs. Temporalité, présence de symptômes, retentissement dans la vie quotidienne et exclusion d’autres troubles en font  un trouble neurodéveloppemental  à part entière qu’il faut bien connaître et évaluer. 

« Nouveau » consensus – Que fait le neuropsy au 213 ? 

Cette évaluation repose sur la clinique. Il n’existe pas à ce jour, de marqueur biologique ou de tests cognitifs pouvant identifier un TDAH ! On parle aujourd’hui de “nouveau” consensus parce que jusqu’ici, les neuropsychologues posaient le diagnostic de TDA/H sur base de la passation de testings neuropsychologiques (tests cognitifs).

L’évaluation du TDAH est donc aujourd’hui avant tout une évaluation clinique. Elle nécessite une évaluation comportementale grâce à plusieurs méthodes de collecte de données. Les principaux éléments de l’évaluation comprennent des entretiens avec les parents et les enseignants, des questionnaires et des observations du comportement de l’enfant dans des contextes variés. 

Premier temps – La rencontre

Le neuropsychologue au sein du 213 vous proposera dans un premier temps, un entretien d’analyse de la demande avec l’enfant et ses parents afin d’évaluer la pertinence de l’évaluation et de recenser les difficultés actuelles. En effet, il est possible que les difficultés actuelles ne semblent pas relever d’un trouble, que celles-ci soient trop multiples et nécessitent un avis pluridisciplinaire, ou qu’elles semblent mieux expliquées par une autre cause et qu’une réorientation vers un autre professionnel soit recommandée.

Deuxième temps – La collecte des données

Si l’évaluation s’avère nécessaire, une série de questionnaire est alors transmise et devra être complétée par les parents, par l’enfant ainsi que par l’enseignant.e de l’enfant. Ceux-ci permettent de recenser les difficultés rencontrées par l’enfant dans les différentes sphères dans lesquelles il évolue et l’impact de celles-ci sur son quotidien et sur son fonctionnement.

Troisième temps – Les entretiens cliniques

S’en suit alors un entretien clinique permettant de creuser davantage les difficultés, d’investiguer la temporalité ainsi que les répercussions de ces difficultés sur le quotidien de l’enfant et de sa famille. Celui-ci permet également d’investiguer d’autres hypothèses diagnostiques. En effet, parfois, les difficultés de concentration sont accompagnées d’autres difficultés évoquant parfois d’autres troubles éventuels. Il est donc important d’effectuer un diagnostic différentiel afin de tenter d’évaluer plus précisément la/les cause.s des difficultés rencontrées.

Par après, une évaluation intellectuelle complète sera réalisée. Celle-ci se fait au moyen d’une échelle d’intelligence de Wechsler qui est une échelle standardisée et reconnue. Elle nous permet d’avoir une idée globale du fonctionnement de l’enfant et d’observer l’enfant face à une tâche. Ce qui nous intéresse ici ce ne sont pas les chiffres à proprement parler mais le comportement de l’enfant face à une tâche et la disparité éventuelle dans les résultats. Est-ce que l’enfant à tendance à se précipiter ? Est-ce qu’il est facilement distrait ? Est-ce qu’il a tendance à digresser ? Est-ce qu’on relève une fatigabilité ? Est-ce qu’une anxiété de performance est observée ?

Dans le cas où des disparités très importantes sont relevées, une évaluation approfondie des fonctions cognitives sera éventuellement proposée.

Quatrième temps – La remise des conclusions

Le neuropsychologue croise ensuite toutes les données récoltées. Dans le cas d’une co-évaluation avec une des psychologues du 213, une réunion est organisée afin de discuter et de croiser les regards sur l’enfant. Vient ensuite la rédaction du rapport et la remise des conclusions aux parents. 

Par la suite et selon la problématique, plusieurs pistes d’aide seront proposées aux parents en fonctions des éléments mis en lumière lors de l’évaluation.

Diagnostic différentiel – Que fait le psy au 213 ? 

Il est nécessaire d’éliminer les autres causes possibles des symptômes observés chez le jeune lorsque nous rencontrons un enfant pour suspicion de TDA/H.  Il existe en effet plusieurs troubles psychologiques ou physiques qui présentent une symptomatologie similaire ou s’apparentant au TDAH. Cette démarche d’analyse est ce que l’on appelle le « diagnostic différentiel ». C’est un processus qui envisage tous les troubles pouvant expliquer la symptomatologie existante. Le diagnostic de TDAH est alors seulement établi lorsque toutes les autres hypothèses possibles ont été éliminées. C’est un travail que le psychologue du 213 réalise toujours en concertation avec le neuropsychologue du 213 au termes de rencontres avec l’enfant et sa famille pour préparer l’entretien de remise des conclusions. 

Le psychologue du 213 est ainsi très attentif au caractère « fourre-tout » que peut présenter le diagnostic du TDA/H qui présente de nombreux facteurs de confusions. En effet, peuvent se voir diagnostiqués comme ayant un TDAH, des enfants présentant une épilepsie, des enfants traumatisés ayant un parcours de vie douloureux, des enfants présentant des troubles du sommeil, des enfants immatures ou avec un retard du développement, à l’inverse des enfants présentant un fonctionnement à haut potentiel intellectuel, des enfants au fonctionnement psychotique, des enfants porteurs de TSA (trouble du spectre de l’autisme), des enfants ayant des troubles instrumentaux (dyslexies, dysorthographies, dyspraxies, etc.), des enfants présentant des troubles sensoriels, des troubles obsessionnels, de l’anxiété, une schizophrénie, des troubles de l’humeur, etc. et même des enfants qui ne présentent aucun trouble mais se trouvant dans une période de difficulté passagère ou réactionnelle. 

Comment ?

C’est pourquoi, au sein du  213, en plus de l’évaluation clinique neuropsychologique spécifique indispensable, nous proposons une approche d’évaluation psychique globale de l’enfant à la fois dans une démarche de diagnostic différentiel mais également pour aller à la rencontre de l’enfant et pouvoir rendre un avis psychoaffectif complémentaire aux observations du neuropsychologue. 

Une première rencontre en présence du neuropsychologue, de l’enfant et de son.ses parent.s permet généralement d’analyser la demande et de comprendre dans quel contexte s’inscrivent les symptômes. Ensuite, trois rendez-vous individuels sont proposés à l’enfant afin de réaliser une évaluation psychoaffective permettant d’apprendre à le connaître, de lui offrir la possibilité d’exprimer son rapport à ses symptômes et les éventuelles souffrances qui en découlent, d’évaluer son fonctionnement intrapsychique (angoisses, mécanismes de défenses, structure de personnalité, etc.), son estime de lui, son rapport à ses émotions et ses relations sociales.

Rappelons d’ailleurs qu’environ la moitié des enfants souffrant d’un TDA/H présentent d’autres difficultés comme des troubles des apprentissage, de l’anxiété, de l’opposition, des problèmes de langage, des difficultés motrices ou encore d’autres troubles affectifs. Ces difficultés diverses occasionnent souvent des difficultés de socialisation et une mauvaise estime de soi. Certains enfants ayant un TDA/H présentent également des symptômes dépressifs. 

Soutien familial

Enfin, les psychologues et thérapeutes familiaux au sein du 213 Centre thérapeutique se montrent en parallèle à l’évaluation ou dans un second temps, disponibles pour accompagner la place de l’enfant dans son système familial lorsque les symptômes rapportés font souffrance pour l’ensemble de la famille (qu’un diagnostic de TDA/H soit posé ou non). 

Pour les enfants porteurs de TDAH, les crises de colère sont par exemple courantes ce qui peut créer des tensions importantes au sein de la famille. Les conflits avec la fratrie ont aussi tendance à  être fréquents, ce qui peut créer une dynamique familiale agitée. De plus, la période des devoirs tend aussi à être difficile, ce qui peut générer des conflits entre l’enfant et ses parents. Enfin, les routines sont longues et difficiles à acquérir pour ces enfants qui se laissent constamment distraire lorsqu’ils doivent les appliquer, ce qui a tendance à exaspérer et à impatienter les parents. 

Conclusion

Vous l’aurez compris, au sein du 213 Centre thérapeutique, nous sommes particulièrement attentifs au caractère pluridisciplinaire et à l’importance de croiser les regards des professionnels de l’équipe (et/ou du réseau scolaire, médical et paramédical de l’enfant) de manière générale mais encore plus dans le cadre d’un diagnostic aussi spécifique que le TDA/H. 

Cela ne veut toutefois pas dire que l’enfant sera systématiquement vus par tous les professionnels de l’équipe et qu’il devra être soumis à une multitude de rendez-vous. Chaque situation étant bien sûre unique, nous fonctionnons au cas par cas, en fonction de l’enfant, de son contexte actuel, de sa famille et de son intérêt. Mais une chose reste sûre, les professionnels de l’équipe sont porteurs d’une pensée pluridisciplinaire et n’hésitent pas à solliciter leurs collègues et/ou le réseau dans l’intérêt de l’enfant et de sa famille et dans le respect du secret professionnel et ce, afin de proposer à nos patients un travail de qualité et éthique.


Zoé Campus
Zoé Campus

Psychologue clinicienne ~ Thérapeute du développement ~ Thérapeute par le Jeu et la Créativité


Mélodie Schreiber
Mélodie Schreiber

Neuropsychologue