La gestion des tempêtes émotionnelles, tout un apprentissage

Quel que soit l’âge les émotions nous habitent, nous traversent, nous bouleversent. La plupart du temps elles sont légères voir douces et passent presque inaperçues telle une toile de fond. A d’autres moments leur intensité peut avoir l’effet d’une tempête émotionnelle qui nous submerge à l’image d’un raz-de-marée. 


Chez les enfants le développement cérébral est en pleine effervescence. De la même manière chaque émotion peut avoir l’effet d’un bouillonnement tumultueux. En effet les enfants n’ont pas encore la possibilité de gérer leurs émotions de manière « adaptée », conséquence de l’immaturité cérébrale.

De nos émotions à nos besoins

Les émotions ressenties, qu’elles soient agréables ou désagréables, nous donnent des informations très précieuses sur nos besoins et sur la manière de réagir. Si on prend le temps de les accueillir et de les écouter elles peuvent nous servir de guide pour satisfaire nos besoins essentiels. 

Les tous petits éprouvent toutes sortes d’émotions d’intensité variable sans avoir la capacité de les gérer et de les ajuster à la situation. La manière dont elles sont exprimées peut parfois paraitre démesurée voir extrême. Les parents, le plus souvent, se sentent perdus voir complètement désarmés face à la puissance de la détresse de leur enfant. Certains ont l’impression d’être face à une bombe d’émotions qui vient d’exploser et que rien ne pourrait apaiser. Les enfants ont besoin dans un premier temps d’être aidés pour diminuer l’intensité de la vague émotionnelle qui les traverse et dans un second temps d’identifier sa couleur.

L’enfant n’a pas la capacité innée d’appréhender ses émotions. Pour arriver à une bonne gestion de celles-ci il a besoin du regard bienveillant et du soutien des grandes personnes qui l’entourent. 

Un accompagnement en trois temps

Le temps de l’accueil et de l’écoute I Le temps de l’accueil et de l’écoute des émotions sans jugement est essentiel et ce, dès les premiers instants de la vie. Pour y parvenir le parent tente de recevoir l’expression de l’émotion de son enfant à l’état brut. Cette première étape demande de mobiliser la capacité d’empathie. Le parent peut alors « prêter » sa pensée pour nommer ce qu’il semble percevoir du flux d’émotions qui bouleverse son enfant. «  Tu sembles en colère. Est-ce que c’est parce que ton copain a déchiré ton dessin ? ». Souligner l’émotion évoquée par le langage corporel associé permettra une meilleure reconnaissance des émotions chez l’autre. « Je vois que tu pleures . Es-tu triste parce que tu as perdu ton ballon ? » «  Tu trembles. As-tu peur du bruit ? » Cette manière de faire permet de valider ce que l’enfant éprouve, ce qui contribue au développement de l’estime de soi et la confiance en soi. Cette première approche est valable quel que soit l’âge. En parallèle pour les plus grands qui commencent à parler, une oreille bienveillante permet de renforcer le sentiment de reconnaissance. Il s’agit là d’écouter sans dénaturer le vécu raconté.

Le temps du jeu accompagné I Le temps du jeu accompagné par une personne plus expérimentée est une ressource indéniable pour apprendre et se développer. Au travers du jeu les plus petits apprennent à  identifier et distinguer les émotions de base comme la peur, la tristesse, la joie, la colère, le dégout et la surprise. Les émotions plus complexes trouveront leur place dans un second temps. Le jeu, par la distance qu’il crée du monde réel, est un support extrêmement riche qui permet d’approcher, d’expérimenter, d’intégrer, de vivre et d’exprimer une large palette d’émotions et ce, à des degrés d’intensité plus acceptables. C’est par ce biais que le jeune enfant apprend et acquiert sa propre capacité de gestion émotionnelle et d’empathie. Il existe de nombreux jeux, livres et dessins animés dont la création a été pensée pour soutenir les parents et les enfants dans cette phase d’apprentissage. Il ne faut toutefois pas oublier que le jeu spontané et créatif guidé par l’enfant et accompagné par le parent reste malgré tout un vrai laboratoire d’expériences et d’intégrations des émotions. Avec le temps, l’enfant devient apte à transposer ses habilités de gestion émotionnelle dans des situations de son quotidien. 

Le temps de l’expression I Le temps de l’expression, soutenue par les deux temps développés ci-dessus permettra à l’enfant d’appréhender ses émotions de telle sorte qu’il pourra en moduler l’intensité et adapter ses réactions aux différentes situations de la vie. L’expression n’est cependant pas toujours aisée et ce, surtout dans les moments de débordement émotionnel. Un petit coin doux peut permettre un apaisement lors d’épisodes plus difficiles.  Cet espace est pensé et aménagé avec l’enfant au préalable. Il se veut rassurant, apaisant, doux, contenant, non isolé et équipé de certains outils déjà utilisés dans le temps du jeu ( dessiner, respirer, des coussins pour se défouler,…). Le retour au calme laisse alors la place à l’expression. L’enfant et le parent peuvent alors s’aider d’images, de livres, de dessins, de mimes, de souvenirs,… pour mettre les émotions en mots. De cette manière l’enfant parviendra petit à petit à mieux exprimer ses émotions et de ce fait être moins sous leur emprise.

Démystification des trois temps

Les tempêtes émotionnelles sont déconcertantes, déstabilisantes et épuisantes tant pour les parents que pour les enfants. L’envie de trouver une règle de trois qui aurait le pouvoir de tout changer d’un coup de baguette magique est légitime et compréhensible. Cependant les conseils trouvés dans les livres, chez les professionnels de la petite enfance et dans ce texte ont le pouvoir de changer et d’aider par leur coté inspirant.

Le temps de l’ajustement I Prendre le temps de s’écouter en tant que parents, d’écouter son enfant et de tenir compte de sa réalité et de celle de sa famille est un préalable à l’application de tous conseils. Ce temps de l’ajustement peut être long et marqué de détours et d’embuches mais aura le mérite d’être juste.

La gestion des tempêtes émotionnelles, tout un apprentissage pour l’enfant et ses parents !

Dr Daphné Zoenen
Dr Daphné Zoenen

Pédopsychiatre et psychothérapeute d’orientation systémique et familiale