Le monde imaginaire de l’enfant : Comment se développe-t-il ?

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Les psychologues et thérapeutes « petite enfance » du 213 Centre thérapeutique sont constamment attentives, dans leur travail clinique, à la problématique de l’imaginaire chez l’enfant en observant la qualité de son jeu, son intérêt ou non pour ses rêves, sa façon d’habiter son corps, sa manière d’exprimer ses émotions, etc. Nous constatons malheureusement, régulièrement, chez les petits patients que nous rencontrons dans nos consultations, une difficulté  d’accès à l’imaginaire. Or, cette disposition, comme nous allons le voir, est essentielle à l’équilibre psychique et somatique de tout un chacun. 

On pourrait définir l’imagination comme la faculté que possède l’esprit à se représenter des images. C’est par l’imagination que les mots deviennent pour nous des choses. L’imagination est la rencontre de deux facteurs : le monde extérieur où vivent les enfants et leur monde intérieur (c’est-à-dire leur manière de voir et d’interpréter ce qui les entoure). Mais comment cela se développe-t-il chez l’enfant ? Par quelles étapes passe-t-il ? En quoi l’accès à l’imaginaire est-il si important dans le développement de l’enfant ?


Les prémisses de l’imaginaire

Dans le ventre de sa mère, le bébé a déjà un fonctionnement onirique confirmant que la relation à l’imaginaire s’établit très tôt dans le fonctionnement de l’individu. Le bébé humain nait prématurément par rapport aux autres espèces animales et a dès lors, absolument besoin de la présence d’adultes comme auxiliaires de toute une série de fonctions. Cela est évident pour ses besoins corporels (alimentation, sécurité, hygiène, santé, etc.) mais il en va de même pour la pensée. Au début, le bébé a besoin d’un autre pour penser ses propres perceptions, d’un autre qui lui prête en quelque sorte son appareil à penser les pensées ». Tout seul, il serait à nu et directement confronté au monde environnant et, de ce point de vue, la capacité de pensée intervient alors comme moyen de filtrage ou de tamisage étant entendu que l’appareil  psychique  ne peut travailler que sur de petites quantités d’énergie. 

L’imagination ne peut surgir que dans une frustration relative, lorsqu’il y a un décalage entre le besoin et la satisfaction. L’imaginaire va  ainsi se développer chez le tout-petit au travers de ce qu’on appelle une « expérience hallucinatoire ». Elle correspond à une expérience corporelle apportant de la satisfaction au nouveau-né (ex : être nourri). Après avoir vécu une expérience de satisfaction, le bébé est capable de déclencher à nouveau, psychiquement la même expérience si celle-ci s’est accompagnée de plaisir pour lui. Très tôt, le tout-petit est ainsi capable de rendre présente une situation antérieurement vécue alors que dans le même moment celle-ci n’a plus lieu dans l’espace-temps-réel. Mais pour que cela puisse se faire, il est essentiel que la personne qui s’occupe du bébé (caregiver) ne soit pas omniprésente ou anticipe tous les désirs du bébé et puisse lui faire vivre cet espace-temps entre l’appel qu’il fera et la réponse qui lui  sera donnée. Car, c’est bien dans cet entre-deux, dans cet espace-temps que le bébé va imaginer sa mère (ou le caregiver) alors que réellement, elle n’est pas là. Si les besoins du bébé étaient toujours satisfaits dans l’immédiat, il ne pourrait pas mettre en place des solutions imaginaires. Combler un enfant trop rapidement revient donc à la priver de l’espace nécessaire pour expérimenter son désir et pour développer ses capacités à créer des représentations. Attention, à l’extrême inverse, l’excès de frustration peut plonger le bébé dans le désespoir et avoir un impact sur sa santé.

Espace transitionnel et objet transitionnel

Le célèbre pédiatre et psychanalyste D.  W. Winnicott appelle cet espace entre le caregiver et le  bébé, « l’espace transitionnel » comme étant un espace imaginaire où l’enfant serait encore en réunion avec sa mère même si celle-ci est absente. Cette aire intermédiaire est un champ d’expérience entre la réalité  intérieure et la réalité extérieure. 

Lorsqu’un enfant n’a pas accès à cet espace transitionnel, il pourra présenter plus tard des difficultés pour développer son monde imaginaire (penser, parler, représenter). Beaucoup de retard de langage peuvent être expliqué par une pathologie de la transitionnalité ne permettant pas à l’enfant de trouver la juste distance par rapport à son caregiver et donc d’utiliser le langage dans sa double fonction : marquer et reconnaître la séparation tout en cherchant  à la combler.

C’est dans un espace potentiel que l’objet transitionnel et les phénomènes transitionnels peuvent prendre corps ; cet espace potentiel varie largement d’un individu à un autre et repose sur la confiance qu’à le bébé de son caregiver, telle qu’il l’éprouve pendant  une période suffisamment longue à un moment critique de la séparation. La notion de continuité est d’ailleurs inséparable des phénomènes transitionnels.  

Chaque bébé trouve ensuite sa voie, qui est unique, afin de créer sa première possession (première création dont il a besoin). Cela peut-être un objet sucé, un doigt qui caresse la lèvre supérieure, un  mouvement de bouche, etc.. Avec l’objet transitionnel (« le doudou ») le bébé reste en contact permanent avec sa mère (ou son caregiver). C’est un peu « comme si », elle était là. Cet objet transitionnel ou ce doudou ne doit pas forcément être un objet au sens matériel du terme. Cela peut tout aussi bien être un mot, un air de musique, une habitude qu’il prend, etc. Quoi qu’il en soit, cet objet transitionnel est l’un des ponts qui rend possible le contact entre la psyché individuelle et la réalité externe. 

L’imagination chez l’enfant de 1 à 3 ans

L’imagination repose à cet âge en grande partie sur l’imitation. Les plus petits commencent par imiter ce qui se passe autour d’eux. C’est en imitant qu’ils apprennent et développent leur imagination. Le cerveau des bébés n’a pas de notion du réel et de l’imaginaire ; ils commencent à imiter ce ce qui les entoure sous forme d’expressions ou de sons dans un premier temps (ex : un chat qui  miaule). Ces interactions entre l’environnement et leurs premières imitations établissent des connexions neuronales pour la vie. Écouter de la musiquer, raconter des histoires, parler à son enfant, jouer avec lui constituent autant d’actions qui favoriseront le développement de son monde imaginaire. 

Pendant les deux premières années de sa vie, les jeux d’éveil vont permettre à l’enfant d’explorer son corps et son environnement proche grâce à son activité psychomotrice (Nous  vous invitons à lire l’article « Quel jeu proposer à un tout-petit de moins d’un an ? Les jouets sont-ils indispensables ? » pour plus de détails à ce sujet).

Au début de  la deuxième année, la fonction symbolique se manifeste par un comportement nouveau : l’imitation différée. L’enfant est spectateur d’une scène et en garde une image mentale ; en décalé dans le temps, il reproduira de mémoire une action qu’il a vu faire. C’est à force d’évoquer des situations ordinaires auxquelles il a participé ou assisté que l’enfant de deux ans commence à s’éloigner du modèle imité pour ajouter des éléments qui témoignent de plus en plus de sa vie affective (ses désirs, ses frustrations, ses fantasmes). Ainsi, entre 18 et 24 mois, les jeux d’imitation, où le rôle de l’imaginaire est important, se mettent en place. L’enfant invente un univers parallèle dans lequel il se montre tout-puissant. Rien ne peut l’arrêter, il développe non seulement une activité motrice mais aussi une capacité psychique intense. A travers cette activité ludique, il peut parfois prendre appui sur un élément de la réalité auquel il a dû se confronter et, pour mieux le maitriser, il va le reprendre à son propre compte dans son scenario imaginaire.

Ajoutons à cela que la construction de la réalité intérieure, à travers les images, se développe avec la maturité neuronale, organisation cognitive et affectivo-émotionnelle,  ainsi qu’avec des conditions adaptées aux personnes et aux milieux. Par exemple, entre un an et un an et demi l’enfant est en mesure de se souvenir d’une image. Ses représentations mentales d’un objet vont ensuite s’affiner entre 18 et 24 mois lorsqu’il élaborera des capacités de connaissances spatio-temporelles.

L’imagination chez l’enfant d’âge préscolaire

En période d’âge préscolaire, l’enfant entre dans ce qu’on appelle la période de la « pensée magique » au niveau de son développement cognitif. La pensée magique se manifeste par  le fait de prêter des sentiments et des intentions aux objets comme s’ils étaient des êtres vivant. L’égocentrisme (cette difficulté jusqu’à au moins 4 ans, à  se décentrer pour adopter un  point de  vue autre que le sien), également présent à cette période du développement est une autre composante de la pensée qui influence le contenu imaginaire.  

Vers 3 ans, l’enfant va développer une véritable passion pour les figurines, les animaux en plastique de la ferme ou du zoo ou encore les personnages de ses dessins animés favoris. Formidables supports de l’imagination, ces jouets simples permettent à l’enfant de développer son langage, de mettre en scène la vie de groupe et ils deviendront des vecteurs d’échange relationnel avec les autres enfants.  

Comme ils ne comprennent pas tout à cet âge, l’imaginaire des enfants se charge parfois de leur donner des réponses à des questions ou à certains phénomènes. Mais, toute invention se base d’abord sur des représentations imagées d’objets ou d’événements vécus par l’enfant lui-même. 

Les jeux de rôle que l’on observe très régulièrement chez les enfants de maternelle, permettent de comprendre et de se représenter les différents états mentaux, comme les intentions ou les croyances. L’imagination joue donc un rôle très important dans la sociabilisation des enfants et dans leur rapport à l’autre.  

C’est également à cet âge que de nombreux enfants s’inventent un compagnon imaginaire avec lequel ils jouent pendant des semaines, voire des mois. Ce compagnon semble avoir une vie propre. Les enfants ressentent toute une gamme d’émotions envers de tels compagnons. Les enfants sont aussi capables d’inventer des créatures imaginaires plus maléfiques. Notons que des études ont confirmé que les enfants qui avaient des amis imaginaires reconnaissaient que leurs compagnons n’étaient pas réels et qu’ils ne pouvaient pas être vus par d’autres qu’eux-mêmes. Les jeunes enfants seraient ainsi tout à fait lucides dans leur évaluation du statut ontologique des entités imaginaires – même lorsqu’il s’agit d’entités qui sont émotionnellement « chargées » telles que sorcières, monstres et compagnons imaginaires.

L’imagination chez l’enfant d’âge primaire

A cet âge, les enfants tissent plus naturellement des liens avec les autres. Ils commencent à jouer en groupe, ce qui leur permet de mettre en commun leur imagination. Fini l’imitation, ils peuvent s’affranchir du réel pour créer avec plus d’audace. C’est à cette étape de leur développement que leur imagination est la plus abstraite. En effet, à partir de 6 ans, les compétences de l’enfant sont plus grandes et la capacité créative plus structurée et définie. Ils sont capable d’imaginer sans avoir à avoir un contact avec un jouet ou une référence pour inventer et imaginer. 

Vers 6-7 ans, c’est la consolidation d’images anticipées qui permettent la reconstruction de  processus dynamiques et la prévision de leurs conséquences sur les actions. Nous l’avons vu, l’imagination influence le langage et la communication. Cela a également un  impact sur les compétences sociales. Interagir avec les autres les aide à créer des liens d’amitié et de développement social avec leurs pairs. L’imagination influence également la résolution de problèmes : elle permet  aux  enfants de générer des processus de résolution et de développer des compétences pour  faire face aux situations stressantes, en acquérant des moyens pour résoudre les difficultés qui surviennent. 

Conclusion

Un enfant a besoin d’espace pour se construire et il n’a nul besoin d’être sollicité, voir stimulé en permanence dans l’idée qu’il faudrait qu’il acquière un maximum d’aptitudes le plus jeune possible. Au contraire, un enfant a besoin de souffler, de ne rien faire et même parfois de s’ennuyer pour trouver son propre équilibre (Nous vous invitons à ce propos à lire l’article « Et si nous ajoutions l’ennui dans les valises des vacances ? »). 

Ce n’est pas toujours simple à mettre en pratique dans une société qui demande très rapidement aux enfants dans leur développement de se conformer à une forme de pensée qui ne leur est pas naturelle et où la consommation croissante des écrans et des réseaux sociaux éloignent les enfants d’eux-même. 

Nous l’avons pourtant vu, l’accès à l’imaginaire est essentielle au développement de l’enfant et aura un impact dans le développement de son langage, de sa pensée, de sa bonne santé psychique, de ses représentations, de ses apprentissages, de ses liens aux autres, de ses capacités de créativité et d’abstraction. Au sein du 213 Centre thérapeutique, nous proposons, lorsque cela est nécessaire, des thérapies permettant de relancer l’activité créative, imaginaire et ludique, permettant ainsi à l’enfant de retrouver un mieux-être global.  


Zoé Campus
Zoé Campus

Psychologue clinicienne ~ Thérapeute du développement ~ Thérapeute par le Jeu et la Créativité

Suspicion de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) – Illustration de la pluridisciplinarité au 213 (Episode 2)

photo of four girls wearing school uniform doing hand signs

Le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité TDA/H est le diagnostic à la mode des années 2000. On en entend parler un peu partout : à l’école lors des réunions avec les enseignants, entre parents, à la radio, à la télévision, dans les journaux, etc. 

Par ailleurs, l’agitation et les difficultés de concentration des enfants sont en effet encore aujourd’hui des motifs réguliers qui poussent les parents à consulter mais, trop souvent, ces jeunes patients sont rapidement étiquetés de « TDA/H » ou « d’hyperactif ». S’il est vrai que l’hyperactivité (agitation persistante, chronique) constitue le symptôme le plus visible et le plus aisément repérable, il ne constitue toutefois pas le fondement du diagnostic et peut refléter un tout autre tableau clinique. 

Nous illustrerons au travers de cet article, la démarche diagnostique que nous proposons au sein du 213 centre thérapeutique lorsque nous rencontrons un enfant pour suspicion de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) après une brève introduction des notions d’attention, de concentration et d’agitation chez l’enfant et une  présentation de ce qu’on appelle le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H). 


Concentration, agitation et développement 

Attention/Concentration

Se concentrer demande un effort mental, surtout pour un tout petit. Afin de rester concentré,  un enfant doit se forcer pour garder son attention sur sa tâche précise et ne pas se laisser distraire. Comme cela demande un effort, l’enfant va apprendre à la développer. La capacité de concentration de l’enfant va ainsi augmenter au fur et à mesure qu’il grandit. Il est toutefois impossible de dire le temps de concentration auquel un parent doit s’attendre selon l’âge de l’enfant. En effet, avant 5 ans, la capacité de concentration varie beaucoup d’un enfant à l’autre. Cela peut aller de seulement quelques secondes à 2 ou 3 minutes d’attention en continu (sans se lever, sans demander de l’aide, ni déplacer son attention sur autre chose).  Selon la personnalité et les goûts de l’enfant, la capacité de concentration peut aussi être plus  ou moins grande. 

Il convient de ne pas confondre attention et concentration ! L’attention permet à l’enfant d’être réceptif à ce qui se passe autour de lui. Contrairement à la concentration, cela se fait sans effort, parfois même de façon involontaire. Toutefois, ce n’est pas parce qu’un enfant n’arrive pas à garder son attention sur une tâche, sans se laisser distraire par ce qui se passe autour  de lui, qu’il a un trouble de l’attention. Plusieurs autres symptômes doivent être présents, comme nous le verrons plus loin, pour poser un diagnostic de trouble de l’attention.

Mais il est toutefois vrai aussi que dès l’âge de 2 ans, les premiers signes du TDAH peuvent apparaître. Certains parents observent même des signes dès la naissance ou les toutes premières semaines de vie. Par contre, il est aussi possible de n’avoir rien remarqué avant l’âge scolaire de l’enfant : des formes plus légères de TDAH ou des formes prédominées par des symptômes d’inattention sont souvent dépistées tardivement. 

Par ailleurs, le fait que les parents aient tendance à s’ajuster spontanément aux besoin de leur enfant peut également avoir camouflé les symptômes. Chaque enfant étant unique, plusieurs évolutions sont possibles. 

Agitation/hyperactivité

Bien qu’il soit normal pour un tout petit de bouger et de ne pas être concentré sur un jeu très longtemps, certains enfants sont  plus actifs que d’autres. Rappelons que les enfants sont tous différents et que certains n’arrivent pas à s’asseoir calmement une minute ou deux alors que d’autres peuvent regarder avec attention un livre. Certains tout-petits de 3  ou 4  ans courent, sautent et grimpent au parc alors que d’autres jouent tranquillement avec un seau et une pelle. Ce n’est pas pour autant qu’ils présentent un TDA/H. 

Gardons en tête que la plupart des enfants, avant 4 ou 5 ans, ont du mal à rester en place pour  de longues périodes de temps. Si un enfant semble plus actif qu’un autre, cela peut  d’abord s’expliquer par son tempérament. Chaque enfant a une constitution et des traits de caractère distincts, et c’est ce  qui fait de chacun un être unique. 

Par ailleurs, un enfant qui grandit dans une famille dynamique et active aura également tendance à aimer les activités qui « bougent ». Mais aussi, certains parents ont par ailleurs un niveau de tolérance plus grand à voir leur  enfant bouger alors que d’autres parents les incitent plus rapidement au calme.  

Il convient donc d’être prudent avant de parler de difficulté de concentration ou d’hyperactivité et ce, surtout chez un enfant d’âge préscolaire. Nous allons le voir, le diagnostic de TDA/H est un diagnostic difficile et complexe, qui regroupe une série de critères et une évaluation clinique approfondie réalisée par des professionnels aguerris. 

TDA quoi ? 

Le trouble du déficit de l’attention (TDA) avec (TDAH) ou sans (TDA) hyperactivité est un trouble neurodéveloppemental comprenant une inattention et/ou une hyperactivité – impulsivité cliniquement significatives (APA, 2013). C’est un trouble qui affecterait 7,2% de la population et serait associé à des altérations significatives du fonctionnement scolaire, social et/ou professionnel (Thomas et al., 2015 & APA, 2013). D’autres auteurs précisent que la prévalence moyenne chez les enfants  seraient aux alentours de 5% et de 2,5% chez les adultes (Polanczyk, De Lima et al. 2007). Les symptômes et retentissement se manifestent généralement tôt dans la vie et sont chroniques (Barkley, 2015). 

Voici les symptômes que l’on retrouve chez les patients TDA/H : 

L’inattention qui correspond à une tendance excessive à la distraction qui se manifeste souvent de manière insidieuse, déroutante, voire sélective et occasionnelle. Le patient rencontre des difficultés à trier et hiérarchiser les diverses informations qui atteignent son cerveau (mécanisme inconscient). Il a du mal à détourner son attention de stimuli dits « perturbateurs », qui sont le plus souvent liés à l’environnement extérieur comme les bruits, une animation, un mouvement, etc. mais peuvent aussi être d’origine interne comme ses émotions, ses pensées, ses idées qui fusent, etc. Cela se traduit par des difficultés à maintenir son attention sur les activités en cours, une grande distractivité, une tendance à l’hyperfocalisation en particulier pour les tâches stimulantes et susceptibles de lui apporter une gratification immédiate, des oublis très fréquents, ainsi que du mal à suivre des instructions et des consignes dans leur intégralité, une mauvaise gestion du temps, des difficultés de planification, etc.

L’hyperactivité motrice est augmentée et désordonnée chez un enfant atteint de TDA/H par rapport aux enfants du même âge. Elle est le plus souvent désorganisée et non constructive (agitation permanente, instabilité, nervosité, incapacité à tenir en place). Les patients passent d’une tâche à l’autre sans vraiment les terminer, parlent beaucoup, sont continuellement en mouvement, dans le besoin de multiplier les activités. Elles recherchent fréquemment les sensations fortes, prennent des risques, ont souvent des tempérament explosifs et des difficultés à se détendre. 

L’hyperactivité intellectuelle est retrouvée chez les patients atteints de TDA/H et correspond à une fuite des idées appelée « tachypsychie » constituée d’une pensée superficielle passant d’un sujet à l’autre sans lien évident pour l’entourage, jouant avec les mots, se distrayant très facilement. Ils ne peuvent fixer leur attention que peu de temps sur un sujet précis et il est donc extrêmement difficile pour un tiers de suivre leur cheminement intellectuel. 

L’impulsivité est également retrouvée chez les patients TDA/H, caractérisée par des difficultés à inhiber les actions verbales, motrices, cognitives ou émotionnelles. Le patient agit ou parle sans réfléchir aux conséquences de ses actes ou de ses paroles, a de grandes difficultés à attendre pour obtenir ce qu’il veut, laisse échapper la réponse à une question qui n’est pas encore totalement formulée, interrompt ou couple la parole à ses interlocuteurs, impose sa présence dans les discussions, tout cela sans chercher pertinemment à importuner son entourage. 

Le patient ne peut pas arrêter les pensées hors contexte qui viennent le distraire alors qu’il travaille. Il a des gestes brusques et rapides, souvent maladroits, il modèle très difficilement ses émotions par la raison. 

Pour être considérés comme des symptômes, ces comportements doivent être présents depuis l’enfance (avant 12 ans), doivent être présents dans deux environnements au minimum et impacter significativement le fonctionnement du patient. Le patient doit présenter au moins six des neufs symptômes d’inattention et/ou d’hyperactivité/impulsivité décrits par le DSM-V. Le diagnostic de TDAH est posé sur base de l’omniprésence des symptômes et de leur retentissement au quotidien. 

Établir le diagnostic de TDA/H est difficile car, prises isolément, les manifestations du trouble peuvent être présentes chez bon nombre de personnes et fluctuent en fonction des situations de vie et des spécificités de chacun. Le diagnostic est essentiellement posé sur base d’une évaluation clinique approfondie. Celle-ci permet d’établir les antécédents complets du patient, d’évaluer l’intensité de ses symptômes et leurs répercussions sur la globalité de sa vie. Le diagnostic du TDA/H se base sur des éléments objectifs. Temporalité, présence de symptômes, retentissement dans la vie quotidienne et exclusion d’autres troubles en font  un trouble neurodéveloppemental  à part entière qu’il faut bien connaître et évaluer. 

« Nouveau » consensus – Que fait le neuropsy au 213 ? 

Cette évaluation repose sur la clinique. Il n’existe pas à ce jour, de marqueur biologique ou de tests cognitifs pouvant identifier un TDAH ! On parle aujourd’hui de « nouveau » consensus parce que jusqu’ici, les neuropsychologues posaient le diagnostic de TDA/H sur base de la passation de testings neuropsychologiques (tests cognitifs).

L’évaluation du TDAH est donc aujourd’hui avant tout une évaluation clinique. Elle nécessite une évaluation comportementale grâce à plusieurs méthodes de collecte de données. Les principaux éléments de l’évaluation comprennent des entretiens avec les parents et les enseignants, des questionnaires et des observations du comportement de l’enfant dans des contextes variés. 

Premier temps – La rencontre

Le neuropsychologue au sein du 213 vous proposera dans un premier temps, un entretien d’analyse de la demande avec l’enfant et ses parents afin d’évaluer la pertinence de l’évaluation et de recenser les difficultés actuelles. En effet, il est possible que les difficultés actuelles ne semblent pas relever d’un trouble, que celles-ci soient trop multiples et nécessitent un avis pluridisciplinaire, ou qu’elles semblent mieux expliquées par une autre cause et qu’une réorientation vers un autre professionnel soit recommandée.

Deuxième temps – La collecte des données

Si l’évaluation s’avère nécessaire, une série de questionnaire est alors transmise et devra être complétée par les parents, par l’enfant ainsi que par l’enseignant.e de l’enfant. Ceux-ci permettent de recenser les difficultés rencontrées par l’enfant dans les différentes sphères dans lesquelles il évolue et l’impact de celles-ci sur son quotidien et sur son fonctionnement.

Troisième temps – Les entretiens cliniques

S’en suit alors un entretien clinique permettant de creuser davantage les difficultés, d’investiguer la temporalité ainsi que les répercussions de ces difficultés sur le quotidien de l’enfant et de sa famille. Celui-ci permet également d’investiguer d’autres hypothèses diagnostiques. En effet, parfois, les difficultés de concentration sont accompagnées d’autres difficultés évoquant parfois d’autres troubles éventuels. Il est donc important d’effectuer un diagnostic différentiel afin de tenter d’évaluer plus précisément la/les cause.s des difficultés rencontrées.

Par après, une évaluation intellectuelle complète sera réalisée. Celle-ci se fait au moyen d’une échelle d’intelligence de Wechsler qui est une échelle standardisée et reconnue. Elle nous permet d’avoir une idée globale du fonctionnement de l’enfant et d’observer l’enfant face à une tâche. Ce qui nous intéresse ici ce ne sont pas les chiffres à proprement parler mais le comportement de l’enfant face à une tâche et la disparité éventuelle dans les résultats. Est-ce que l’enfant à tendance à se précipiter ? Est-ce qu’il est facilement distrait ? Est-ce qu’il a tendance à digresser ? Est-ce qu’on relève une fatigabilité ? Est-ce qu’une anxiété de performance est observée ?

Dans le cas où des disparités très importantes sont relevées, une évaluation approfondie des fonctions cognitives sera éventuellement proposée.

Quatrième temps – La remise des conclusions

Le neuropsychologue croise ensuite toutes les données récoltées. Dans le cas d’une co-évaluation avec une des psychologues du 213, une réunion est organisée afin de discuter et de croiser les regards sur l’enfant. Vient ensuite la rédaction du rapport et la remise des conclusions aux parents. 

Par la suite et selon la problématique, plusieurs pistes d’aide seront proposées aux parents en fonctions des éléments mis en lumière lors de l’évaluation.

Diagnostic différentiel – Que fait le psy au 213 ? 

Il est nécessaire d’éliminer les autres causes possibles des symptômes observés chez le jeune lorsque nous rencontrons un enfant pour suspicion de TDA/H.  Il existe en effet plusieurs troubles psychologiques ou physiques qui présentent une symptomatologie similaire ou s’apparentant au TDAH. Cette démarche d’analyse est ce que l’on appelle le « diagnostic différentiel ». C’est un processus qui envisage tous les troubles pouvant expliquer la symptomatologie existante. Le diagnostic de TDAH est alors seulement établi lorsque toutes les autres hypothèses possibles ont été éliminées. C’est un travail que le psychologue du 213 réalise toujours en concertation avec le neuropsychologue du 213 au termes de rencontres avec l’enfant et sa famille pour préparer l’entretien de remise des conclusions. 

Le psychologue du 213 est ainsi très attentif au caractère « fourre-tout » que peut présenter le diagnostic du TDA/H qui présente de nombreux facteurs de confusions. En effet, peuvent se voir diagnostiqués comme ayant un TDAH, des enfants présentant une épilepsie, des enfants traumatisés ayant un parcours de vie douloureux, des enfants présentant des troubles du sommeil, des enfants immatures ou avec un retard du développement, à l’inverse des enfants présentant un fonctionnement à haut potentiel intellectuel, des enfants au fonctionnement psychotique, des enfants porteurs de TSA (trouble du spectre de l’autisme), des enfants ayant des troubles instrumentaux (dyslexies, dysorthographies, dyspraxies, etc.), des enfants présentant des troubles sensoriels, des troubles obsessionnels, de l’anxiété, une schizophrénie, des troubles de l’humeur, etc. et même des enfants qui ne présentent aucun trouble mais se trouvant dans une période de difficulté passagère ou réactionnelle. 

Comment ?

C’est pourquoi, au sein du  213, en plus de l’évaluation clinique neuropsychologique spécifique indispensable, nous proposons une approche d’évaluation psychique globale de l’enfant à la fois dans une démarche de diagnostic différentiel mais également pour aller à la rencontre de l’enfant et pouvoir rendre un avis psychoaffectif complémentaire aux observations du neuropsychologue. 

Une première rencontre en présence du neuropsychologue, de l’enfant et de son.ses parent.s permet généralement d’analyser la demande et de comprendre dans quel contexte s’inscrivent les symptômes. Ensuite, trois rendez-vous individuels sont proposés à l’enfant afin de réaliser une évaluation psychoaffective permettant d’apprendre à le connaître, de lui offrir la possibilité d’exprimer son rapport à ses symptômes et les éventuelles souffrances qui en découlent, d’évaluer son fonctionnement intrapsychique (angoisses, mécanismes de défenses, structure de personnalité, etc.), son estime de lui, son rapport à ses émotions et ses relations sociales.

Rappelons d’ailleurs qu’environ la moitié des enfants souffrant d’un TDA/H présentent d’autres difficultés comme des troubles des apprentissage, de l’anxiété, de l’opposition, des problèmes de langage, des difficultés motrices ou encore d’autres troubles affectifs. Ces difficultés diverses occasionnent souvent des difficultés de socialisation et une mauvaise estime de soi. Certains enfants ayant un TDA/H présentent également des symptômes dépressifs. 

Soutien familial

Enfin, les psychologues et thérapeutes familiaux au sein du 213 Centre thérapeutique se montrent en parallèle à l’évaluation ou dans un second temps, disponibles pour accompagner la place de l’enfant dans son système familial lorsque les symptômes rapportés font souffrance pour l’ensemble de la famille (qu’un diagnostic de TDA/H soit posé ou non). 

Pour les enfants porteurs de TDAH, les crises de colère sont par exemple courantes ce qui peut créer des tensions importantes au sein de la famille. Les conflits avec la fratrie ont aussi tendance à  être fréquents, ce qui peut créer une dynamique familiale agitée. De plus, la période des devoirs tend aussi à être difficile, ce qui peut générer des conflits entre l’enfant et ses parents. Enfin, les routines sont longues et difficiles à acquérir pour ces enfants qui se laissent constamment distraire lorsqu’ils doivent les appliquer, ce qui a tendance à exaspérer et à impatienter les parents. 

Conclusion

Vous l’aurez compris, au sein du 213 Centre thérapeutique, nous sommes particulièrement attentifs au caractère pluridisciplinaire et à l’importance de croiser les regards des professionnels de l’équipe (et/ou du réseau scolaire, médical et paramédical de l’enfant) de manière générale mais encore plus dans le cadre d’un diagnostic aussi spécifique que le TDA/H. 

Cela ne veut toutefois pas dire que l’enfant sera systématiquement vus par tous les professionnels de l’équipe et qu’il devra être soumis à une multitude de rendez-vous. Chaque situation étant bien sûre unique, nous fonctionnons au cas par cas, en fonction de l’enfant, de son contexte actuel, de sa famille et de son intérêt. Mais une chose reste sûre, les professionnels de l’équipe sont porteurs d’une pensée pluridisciplinaire et n’hésitent pas à solliciter leurs collègues et/ou le réseau dans l’intérêt de l’enfant et de sa famille et dans le respect du secret professionnel et ce, afin de proposer à nos patients un travail de qualité et éthique.


Zoé Campus
Zoé Campus

Psychologue clinicienne ~ Thérapeute du développement ~ Thérapeute par le Jeu et la Créativité


Mélodie Schreiber
Mélodie Schreiber

Neuropsychologue