Et si nous ajoutions l’ennui dans les valises des vacances ?

girl holding bucket on seashore

Notre société valorise une utilisation efficace du temps et condamne l’ennui. Nous le pourchassons, essayant sans cesse de nous occuper pour ne pas sombrer dans cet état fantomatique. Sophie Marinopoulos (psychanalyste) dit d’ailleurs à ce sujet que « l’ennui est devenu un symptôme qui transforme l’homme en l’ombre de lui-même, en un être inhabité ». Dans nos représentations, l’ennui est vu comme le vide, le rien, caractéristique de l’enfant râleur ou de l’adulte fardeau qui ne veut rien faire de sa vie.

Ceci est peut-être d’autant plus vrai après cette année de confinement où beaucoup de parents tentent d’occuper les enfants durant les vacances pour les sortir de l’ennui. Entre les stages, les activités, les cours, etc. certains enfants ont un agenda bien rempli sans beaucoup de temps libre. Et si le temps libre et ne « rien faire » durant les vacances pouvait, mine de rien, être bénéfique à l’enfant ?


L’ennui favorise la créativité de l’enfant

C’est même prouvé scientifiquement. Lorsque des scientifiques ont proposé à des enfants d’effectuer d’abord une activité pénible (recopier à la main une longue liste de numéros de téléphone), avant de leur demander de lister tout ce qu’il était possible de faire avec deux gobelets. Les enfants qui avaient recopié tous les numéros de téléphone trouvaient bien plus d’idées que ceux qui n’avaient pas eu à se soumettre à cette première étape ennuyante. S’ennuyer aide ainsi l’enfant à stimuler sa créativité. Quand un enfant est seul et qu’il s’ennuie, c’est l’occasion pour lui d’être à l’écoute de son monde intérieur, de ses envies et de ses goûts. C’est lorsqu’il n’a rien a faire qu’un enfant va stimuler sa créativité pour créer, trouver un jeu, inventer des histoires. Le rêve et la créativité offrent ainsi à l’enfant une libération du quotidien.

L’ennui développe l’imaginaire de l’enfant

L’ennui permet à l’enfant de voir la réalité différemment. Un enfant qui s’ennuie remarque des détails qui lui échapperaient s’il était occupé. Dans la campagne publicitaire « laissons une petite place à l’ennui » lancée par Yapaka en 2018, on peut voir un enfant assis qui s’ennuie devant le spectacle de la pluie qui s’écoule sur la vitre du jardin. Et c’est justement parce que cet enfant s’ennuie, qu’il observe le trajet de la goutte d’eau qui descend le long du carreau de la fenêtre. Il pourra alors inventer toute une histoire de cette goute d’eau s’il a l’occasion de vivre ces moments seul.

L’ennui permet à l’enfant d’apprendre à s’aimer

Lorsqu’il s’ennuie, un enfant s’habitue aussi à jouer seul. Il apprend ainsi à décider par lui-même. Cela lui permet de se sentir plus en contrôle de son environnement et de développer sa confiance en soi. Apprendre à être bien avec soi-même est un art qui se perd dans un monde où tout le monde est constamment en contact avec les autres notamment grâce aux nouvelles technologies. Il est important que l’enfant apprenne à jouer seul sans se sentir délaissé. Au lieu de voir le « vide » comme un ennemi à combattre, apprenons à nos enfants à cultiver le bonheur dans ces moments où il se retrouve seul. La difficulté à jouer, rêver, créer (Winnicott) peut être liée à une incapacité à être seul, et refléter une difficulté de séparation; jouer seul suppose en effet de pouvoir se séparer de l’adulte.

L’ennui participe au développement de l’autonomie

L’ennui démontre que l’enfant éprouve le besoin vital d’être accompagné, animé, stimulé dans sa curiosité, dans son élan de vie. Il veut échapper à tout prix au vide de l’absence. Le parent le rejoint dans cette quête en lui accordant en retour un « tout-amour », une présence entière, légitime. Structurellement, l’enfant refuse d’être seul, tout comme il refuse, en grandissant, qu’on ne l’occupe pas. Il est néanmoins important que l’enfant développe la « capacité à être seul ». S’arrêter à la plainte de l’enfant quand il s’ennuie revient à le priver de la possibilité d’en faire quelque chose. Lui proposer une activité quand il s’ennuie c’est ne pas croire en sa capacité à dépasser son sentiment de solitude. C’est mettre du « plein » à sa place, en accentuant sa dépendance future.

En effet, quand un enfant arrive à jouer seul dans ses moments d’ennui, il développe également son autonomie. Une qualité qui va l’aider toute sa vie à bien fonctionner. Un enfant capable de faire des choix et de se débrouiller par lui-même prend confiance en lui. Il est mieux outillé pour prendre des décisions et sent aussi que ses parents ont confiance en lui. Le simple fait d’être capable de trouver une activité à faire lui fait prendre conscience qu’il est apte à prendre des initiatives. Et cette forme d’indépendance est valorisante pour lui.

L’ennui développe la résolution de problèmes

Le temps passé à s’ennuyer améliore la faculté de décision des enfants qui se mettent à considérer l’ennui comme un problème auquel il faut trouver une solution. On peut ajouter que c’est généralement en s’ennuyant dans leur baignoire ou devant une feuille blanche que beaucoup de grands mathématiciens sont parvenus à trouver la clé des problèmes..

L’ennui participe à développer la sociabilité

Des psychologues de l’Université du Texas ont en effet, découvert un rôle social à l’ennui. S’ennuyer, c’est envoyer aux autres des signaux indiquant que vous recherchez du changement et de la stimulation, et leur indiquer plus ou moins consciemment que vous compter sur leur appui pour sortir de votre état. L’ennui permettrait ainsi de tisser du lien social.

Terreau essentiel au développement psychique

Vous l’aurez compris, en grandissant, l’enfant apprend à apprivoiser ces moments de « rien » : d’abord désœuvré, son esprit vagabonde, il imagine un ailleurs, dessine un futur, rêve de folles aventures… et le voilà parti de rien, en pleine créativité. Il découvre le plaisir de faire germer quelque chose qui trouve sa source en lui. Et mis bout à bout, ces temps vont l’aider à se construire, à prendre conscience de lui-même, lui permettre de faire connaissance avec son environnement, de découvrir qui il est, ce qu’il aime, ses aspirations pour plus tard. Nombreux sont les adultes qui peuvent témoigner que ce sont des moments d’ennui qui leur ont d’ailleurs permis de se découvrir une passion (écrire, dessiner, lire, photographier, etc.).

Pour conclure

  • L’ennui appartient à un rythme relationnel qui structure la psyché de l’enfant.
  • L’ennui offre à l’enfant un espace-temps qui lui permet d’expérimenter son environnement et les objets qui le composent.
  • Créer du temps pour l’ennui, c’est offrir des temps de pensée à l’enfant.
  • Accepter l’ennui, c’est reconnaître à l’enfant à l’adolescent des aptitudes créatives.
  • L’ennui est la rencontre avec soi-même, ses ressources et ses limites.
  • L’ennui délimite et construit.
  • L’ennui conduit à une sécurité intérieure à l’origine de l’autonomie psychique, à la liberté d’être soi, au bonheur.

Sophie Marinopoulos (psychanalyste)

L’ennui n’est pas une perte de temps mais bel et bien une activité créative. Lorsque l’enfant se confronte à l’ennui, il développe son imagination et sa créativité en faisant appel à ses propres ressources. C’est également un moment au travers duquel il peut développer des capacités d’observation qui sont un moyen de découvrir, d’apprendre et de comprendre le monde qui l’entoure tout en se connectant à ses émotions. S’ennuyer permet ainsi d’apprendre, de découvrir, de jouer et de rêver, activités essentielles au développement de l’enfant .


Zoé Campus
Zoé Campus

Psychologue clinicienne et Thérapeute du développement

La place du virtuel

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De nos jours, le virtuel prend une place de plus en plus prépondérante dans nos vies, décliné sous différentes facettes (télévision, jeux vidéo, réseaux sociaux, visioconférence, …). Que ce soit chez les petits ou les plus grands, ce monde virtuel fait désormais partie intégrante du quotidien. Il vient aussi parfois rappeler les différences de générations dans la manière de l’appréhender… On peut entendre parler notamment des vétérans, des « babyboomers », de générations X, Y ou Z.

Souvent diabolisé mais pourtant toujours recherché, que vient-il activer chez chacun de nous, et qu’en est-il au niveau du vécu émotionnel ? De plus, la crise sanitaire actuelle vient peut-être encore davantage nous plonger dans cet univers virtuel, tant les contacts directs se veulent limités. Qu’est-ce que cela a comme impact ?

La notion du virtuel est tellement large que notre article ne viendra qu’effleurer la thématique et les observations qui en découlent. 

Tel un peintre muni de sa palette de couleurs, les thérapeutes du 213 disposent d’une large variété d’outils et de sensibilités dans les prises en charge qu’ils proposent. Donner une place au virtuel peut venir élargir ce champ des possibles.


Virtuel et adolescence

L’adolescence est une période du cycle de vie qui vient remuer énormément et qui amène beaucoup de changements, notamment en terme identitaire (crise identitaire). Un adolescent a souvent besoin de se créer son propre monde pour s’éloigner de celui de ses parents ou de ses proches et pour ainsi, doucement se construire et s’autonomiser tout en se sentant suffisamment affilié à des groupes de pairs (groupes d’appartenance). On entend régulièrement que les ados sont « accros » aux écrans. Mais qu’en est-il de leur rapport à ces écrans ? Que leur apportent-ils ? Quelles sont les limites à définir ? Autant de questions qui taraudent souvent les parents et autres figures d’autorité.

Les réseaux sociaux ?

Le virtuel peut être vu comme une aire de construction / destruction : en effet, à travers ce que l’adolescent poste sur les différents réseaux sociaux, on observe généralement une construction du soi et des représentations sur l’autre et sur nous-même, tant il y a une forte présence du regard de l’autre (selfie avec l’image du corps, comment on peut « se raconter », photos postées et laissant apparaître une partie de leurs vies et de leurs relations, …). Cette construction subjective vient alors alimenter et permettre d’asseoir une des parts de soi, une des composantes de leur identité.  A l’inverse, cette aire peut parfois se décliner sur le versant destructeur (harcèlement virtuel, manipulation, distorsion des images du corps, « revenge porn », …). La nécessité d’une certaine bienveillance de la communauté est présente. L’adolescent est invité à pouvoir se frayer son propre chemin et éviter les obstacles en balisant et sécurisant son utilisation des réseaux sociaux. Ce chemin doit parfois se créer avec l’appui préalable de figures adultes responsables et contenantes.

Les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram, Snapchat,… sont aussi des espaces d’intimité car le regard des adultes est moins présent tant les espaces et les frontières virtuels se dessinent via la gestion personnelle des paramètres de leurs différents comptes et profils. Cette mise à distance du regard de l’adulte, et des parents plus particulièrement, participe alors au processus de séparation et d’individuation, voire d’autonomisation, qui caractérise les mouvements adolescentaires. De plus, ces espaces d’intimité virtuels viennent aussi apprendre aux ados à mettre leurs limites (contenu, gestion des paramètres de sécurité, protection des données personnelles, …) et à protéger cette bulle d’intimité, parfois si précieuse, mais nécessitant des bases solides et un sentiment de sécurité. La distinction entre public et espace d’intimité s’acquiert durant l’enfance. C’est pourquoi il est parfois porteur de venir discuter avec l’adolescent du concept de droit à l’image et du droit à l’intimité.

Les réseaux sociaux invitent également à une nouvelle modalité d’être en relation. L’écran connecté est alors parfois vécu comme un prolongement de soi ou de la relation à l’autre. On parle de la création d’un lieu de socialisation. L’ado peut continuer à parler avec ses amis tout en étant à la maison, peut encore créer et entretenir des liens avec des personnes ou de la famille qu’il voit irrégulièrement, mais peut aussi parfois expérimenter la relation à l’autre dans un jeu de séduction. Cet espace de sociabilisation est une richesse mais ne doit en rien remplacer complètement les rencontres et relations en dehors de l’écran ! La question de l’équilibre et de la juste balance reste alors à trouver et parfois, à co-construire. Il est primordial que l’ado puisse continuer à éprouver et à tester ses relations en dehors de l’écran.

L’apport d’un sentiment d’appartenance à un groupe social. Cette dimension est clairement nourrie par les réseaux sociaux tant la question des groupes et des communautés est présente. Un jeune peut à la fois se sentir appartenir à des groupes virtuels mais aussi, de par son utilisation des réseaux sociaux, se sentir lié à un groupe de pairs dans le réel, en pouvant notamment discuter avec un ami du dernier tweet ou snap d’un autre camarade de classe. Ce besoin d’appartenance est d’autant plus important à l’adolescence car ce dernier connaît souvent un moment d’instabilité au niveau identitaire mais aussi un besoin de se construire à travers l’autre et au travers de ses pairs.

La dimension créative joue également un rôle important. De par les diverses utilisations possibles du virtuel et des réseaux sociaux, le jeune peut développer un potentiel créatif et ainsi asseoir une part de son identité en construction. De plus, certains ados en profitent pour se raconter et mettre en récit leurs vies, leurs vécus et leurs émotions.

Les jeux vidéos ?

Les jeux vidéo sont nombreux, variés et parfois très différents dans les mouvements qu’ils mettent en scène. Néanmoins, la plupart permettent de donner une position active au jeune ; il redevient acteur.  Le joueur possède une intentionnalité (adresse quelque chose à l’autre, même si cet autre est virtuel), ce qui permet à l’ado d’être dans un mouvement de vie.

Les jeux vidéo donnent aussi accès à une certaine élaboration psychique de ce qu’on y fait, ce qu’on y vit, quelle place on y occupe. Si, dans un jeu vidéo de style stratégie ou aventure, un jeune prend souvent la place ou le rôle d’une personne créant des bâtiments plutôt que le rôle d’un guerrier, cela vient peut-être dire quelque chose de ses représentations et croyances ; ceci peut être en lien avec les croyances et les valeurs familiales.

Les jeux vidéo de réseau permettent aussi de créer du lien ou de consolider des rencontres via un partage d’expériences, via l’intégration à une communauté de joueurs, … En outre, les jeux en réseau développent l’aptitude à travailler en équipe et la curiosité vis-à-vis des autres, en matière de compétence et de savoir. Des valeurs comme l’altruisme ou la réciprocité sociale sont alors mises au travail. Concernant ces valeurs morales, plusieurs études ont montré que les jeux qui valorisent l’entraide et la coopération ont l’effet, dans certaines conditions, d’augmenter ces comportements dans la réalité. Certains jeux vidéo comme le role playing peuvent même influencer des capacités à réparer.

L’espace virtuel peut aussi être un espace de décharge pulsionnelle ; ceci implique de rester attentif à la fonction que l’on recherche dans les jeux vidéo.

Les jeux vidéo d’action ont un effet positif sur les capacités attentionnelles, sur le contrôle attentionnel et sur la flexibilité cognitive. Des effets positifs sur la cognition spatiale (capacité à réaliser mentalement des rotations d’objet) se dessinent également. Notons aussi que ces acquisitions peuvent se transférer à d’autres domaines de vie (Altrarelli & Bavelier, 2018).

Enfin, concernant les usages problématiques des jeux vidéo, on se rend compte qu’ils sont souvent révélateur de problématiques sous-jacentes plutôt que d’une réelle problématique de dépendance : dépression, déficit de l’estime de soi, anxiété sociale mais aussi violence scolaire, divorce, deuil, … Le jeu peut alors devenir une activité refuge pour mettre à distance la souffrance du monde extérieur.

Le virtuel et les familles

On peut s’interroger sur comment le virtuel vient-il se décliner au niveau des relations familiales entre parents et enfants, au sein de la fratrie ou de manière plus large au niveau des liens familiaux ? Comment peut-il être discuté et appréhendé sans sentiment d’intrusion ou sentiment d’hyper-contrôle ? Autant de questions auxquelles une multitude de réponses sont possibles en fonction de chaque jeune et de chaque famille.

Néanmoins, quelques balises permettent parfois d’éviter certains écueils du virtuel et des écrans comme : renforcer la pensée critique des enfants et adolescents, les inviter à toujours croiser leurs sources et à aller consulter des sites variés, en débattre avec eux, confronter les points de vue et les utilisations en fonction des réalités de chacun, … En fonction de l’âge de l’enfant ou de l’adolescent, il semble intéressant de pouvoir l’aider à s’outiller de plus en plus pour pouvoir faire face aux différents contenus qu’il perçoit sur les écrans. Disposer de repères peut aider parents et professionnels à adapter et réguler la consommation des écrans selon l’âge du jeune.

Le virtuel dans l’espace thérapeutique

Le virtuel peut tout à fait prendre une place dans l’espace thérapeutique tant il permet de venir rencontrer l’autre, et l’adolescent peut-être plus particulièrement.  Le virtuel semble venir dire quelque chose de notre réalité psychique. Parler du jeu, de son contexte, ou encore pouvoir débriefer de ce qui a été vécu tant au niveau émotionnel (mettre en sens le vécu émotionnel) que symbolique. Tout ceci en restant attentif à bien pouvoir faire coexister la réalité virtuelle et la réalité du monde réel.

Au 213 Centre thérapeutique enfant, adolescent, famille, nous sommes sensibles au concept de créativité qui s’invite dans les différentes prises en charge. Cette créativité peut être amenée par le virtuel, par la place qu’on lui fait ou qu’on lui donne et enfin, par la manière dont on peut l’utiliser pour apprendre à mieux connaître l’autre, l’adolescent, l’enfant ou encore sa famille.


Mélissa Lambion
Mélissa Lambion

Psychologue clinicienne et psychothérapeute d’orientation systémique et familiale

« Là où je crée, je suis vrai » – Une illustration de la créativité au sein du 213.

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La créativité se retrouve au cœur de la philosophie du 213 Centre thérapeutique enfant, adolescent, famille. A la fois, en rejoignant la théorie de D. W. Winnicott selon laquelle la créativité serait synonyme de « vie », « d’être vivant », de  « se sentir réel », mais aussi au travers des différents médias que nous mettons à la disposition des enfants, des adolescents et des familles que nous accueillons. Nous croyons en l’accueil de l’autre dans un profond respect de sa personne. Cela nous engage dès lors, en tant que professionnels, à rester en mouvement dans nos réflexions cliniques, à faire preuve d’ouverture d’esprit et de pouvoir proposer à nos patients des expériences leur permettant un mieux-être global ou spécifique. Ce ne sont pas des « ateliers artistiques » que nous proposons au sein du 213 et nous distinguons la « vie créative » de la « création artistique ». En effet, vivre créativement est profondément lié au sentiment que l’on est vivant et soi-même et c’est cela que nous visons dans l’accompagnement thérapeutique pour nos patients. 


Quelle place pour la créativité dans l’enfance ?

Être créatif, c’est jeter un regard neuf sur les choses et apprendre à voir la vie et les autres sous différents angles. La créativité, sous cet angle-là, n’est ainsi pas limité au domaine artistique. Elle ouvre le monde des possibles et apporte de nombreux bienfaits, à tous. Elle est avant tout un état d’esprit, un mode de fonctionnement de notre intelligence, une façon d’appréhender la vie, l’inconnu, la nouveauté. 

Nous portons tous en nous un potentiel de créativité et favoriser la créativité chez l’enfant, c’est le préparer à vivre sa vie de façon souple, à chercher, à inventer différentes solutions. En accompagnant les enfants dans le développement de leur créativité, nous leur ouvrons le monde de l’imaginaire et de la liberté dans tous les domaines. La créativité permet ainsi de sublimer le quotidien. 

Par ailleurs, la créativité favorise le développement de la communication et offre de multiples manières d’expression de ce que l’on ressent ou de communiquer sur un sujet qui nous tient à cœur. La créativité permet de renforcer l’identité de l’enfant, a des effets sur l’estime de soi et la confiance en soi. Elle facilite également l’expression d’émotions et d’idées, apprend à l’enfant à percevoir les choses sous différents angles et favorise son ouverture aux autres et à son environnement. Mais aussi, elle favorise la recherche d’idées ou de solutions originales et contribue au développement de la concentration, de l’autodiscipline et de la pensée critique. 

Quelle place pour la créativité dans une consultation neuropsychologique au 213 ? 

Mélodie Schreiber en tant que neuropsychologue au sein du 213 envisage la notion de créativité à la fois dans ses consultations de bilan et dans ses suivis thérapeutiques de méthodologie de travail. Elle est formée à l’accompagnement des troubles des apprentissages (TDAH, dyspraxie, haut potentiel, etc.), en méthodologie et en orientation scolaire et professionnelle. Elle reçoit des enfants d’âge primaire, des adolescents et des jeunes adultes. 

Mélodie Schreiber rapporte que dans son champ de compétence de neuropsychologue, de nouvelles théories de l’intelligence ont vu le jour où une plus grande place est attribuée à la créativité. Il paraitrait dès lors, dommage de ne se focaliser que sur les compétences majoritairement développées dans le cadre scolaire, notamment en lien avec le Quotient Intellectuel (QI). En effet, cet indice rend compte d’une certaine forme d’intelligence mais laisse encore de côté d’autres aspects qui sont également importants. 

La créativité a ainsi longtemps été considérée de façon mystique, comme venant d’une inspiration divine. Encore aujourd’hui, le potentiel créatif des enfants et des adolescents est peu exploré au niveau des apprentissages et pas toujours encouragé ou légitimé. Dans le cadre scolaire, ce sont bien souvent des activités dirigées qui sont alors proposées aux enfants. 

Mélodie Schreiber rejoint les auteurs qui envisagent la créativité comme une dimension de l’intelligence susceptible de compléter la mesure du QI. Dans le cadre de ses consultations de bilans avec les enfants et les adolescents, elle peut proposer une évaluation du potentiel créatif du jeune et rejoint l’idée selon laquelle la créativité est considérée comme une compétence cognitive,  comme toutes les autres et qui peut ainsi, être stimulée et évaluée. Elle propose une évaluation neuropsychologique en tenant compte de trois facteurs pour observer le potentiel créatif : 

  • Les facteurs cognitifs qui font référence aux connaissances et aux capacités intellectuelles qui facilitent la pensée créative;
  • Les facteurs conatifs qui font référence d’une part aux traits de la personnalité et d’autre part à la motivation;
  • Les facteurs d’environnement qui auront une influence sur les productions créatives du jeune. 

Pour les enfants d’âge scolaire (5-12 ans), elle peut proposer la passation du test l’EPoC qui  permet de mesurer divers aspects de la pensée créative : d’une part, la composante de pensée divergente exploratoire (proposer de nombreuses solutions à partir d’un seul stimulus), d’autre part, la pensée convergente-intégrative évaluée par des épreuves dans lesquelles une seule proposition, la plus originale possible est demandée. Les mesures s’effectuent actuellement dans deux domaines d’application, verbal et graphique. A l’aide de l’EPoC, il est possible de proposer des méthodes pédagogiques adaptées à l’enfant afin de lui permettre au mieux d’intégrer les nouveaux concepts. 

Dans le cadre de ses consultations de suivi en méthodologie de travail, Mélodie Schreiber propose une co-construction avec le jeune. L’idée étant d’aller à la recherche de la créativité chez le jeune afin de lui permettre une autonomie dans son rapport aux apprentissages. Elle propose classiquement trois premiers rendez-vous avec l’adolescent et fait ensuite le point avec lui sur sa motivation. Des objectifs de suivi thérapeutique sont ensuite fixés ensemble. En effet, au cours des suivis, bien que la créativité y ait une place centrale, il importe que le jeune puisse trouver du sens aux séances et fasse preuve d’investissement. L’idée étant d’offrir un espace créatif potentiel et certainement pas de faire à sa place ou de rééduquer une fonction spécifique. L’adaptation et la flexibilité du thérapeute et du jeune sont les maîtres mots des suivis en méthodologie de travail. 

Quelle place pour la créativité dans une consultation psychologique au 213 ? 

Zoé Campus en tant que psychologue clinicienne au sein du 213 propose une approche centrée sur le jeu, le travail à médias et la créativité. Elle est spécialisée dans l’accompagnement des jeunes enfants d’âge préscolaire. Elle est formée en thérapie du développement et termine sa formation en thérapie par le jeu et la créativité (TJC – Verity Gavin). Ces deux types de formations teintent fortement ses consultations psychologiques et ce, que ces dernières s’inscrivent dans le cadre d’un bilan ou d’une thérapie.

La place de la créativité est centrale tant en thérapie du développement qu’en thérapie par le jeu et la créativité.

La thérapie du développement est un type spécifique de psychothérapie individuelle pour l’enfant qui n’est pas bien construit, peu structuré au niveau de son développement global, de son psychisme ou dans son corps. La thérapie du développement a été développée par Marie Rose Smet, kinésithérapeute, le Dr Danielle Flagey, pédopsychiatre et le Dr Evelyne Hazard, neuropédiatre. C’est une psychothérapie d’inspiration analytique qui se base également sur des apports neurobiologiques, sensorimoteurs et psychoaffectifs du développement global de l’enfant. C’est une thérapie dite à « média » qui utilise notamment le média corporel. La thérapie du développement part du postulat que le corps et le psychisme sont étroitement liés dans le développement de l’enfant. Le corps étant le premier outil d’interaction au monde et à la relation, le thérapeute du développement traduit et accompagne l’enfant par le biais d’expériences corporelles, psychiques, affectives et créatives. Il va proposer, dans la relation thérapeutique avec son petit patient, différents supports permettant à l’enfant de lier ses perceptions, sa motricité, ses émotions et ses sentiments pour pouvoir l’amener vers plus de mentalisation et l’aider à développer sa pensée. Le thérapeute est ainsi attentif à l’enfant dans toute sa globalité. Le travail thérapeutique à l’aide de médias s’effectue à partir de la mise en jeu du registre sensori-moteur, c’est-à-dire à partir de l’implication du corps et de la sensorialité. L’exploitation des médiations créatives à des fins thérapeutiques engage donc dans la voie d’expériences sensori-affectivo-motrices et sert de support à la reviviscence de vécus corporels, qui n’ont pas été symbolisés. Les enjeux du recours aux médias se situent donc du côté d’une possible inscription des expériences primitives, non inscrites dans l’appareil de langage; elles peuvent s’inscrire selon des modalités autres que langagières, tels que le langage du corps, le langage de l’affect, …

La thérapie par le jeu et la créativité – TJC à quant à elle, été fondée par Verity Gavin. Son approche intègre des perspectives existentielles, winnicottiennes et d’anthropologie sociale dans une manière de penser et de pratiquer la psychothérapie pour tous âges. Ce type de thérapie est destiné à tous. Dans un cadre contenant, respectueux et sécurisant, l’enfant, l’adolescent (ou l’adulte) s’ouvre progressivement à sa créativité et à son courage d’être pour aborder, confronter et dépasser créativement ses difficultés de vivre. C’est une approche fondée sur la rencontre, dans un grand respect du potentiel créatif inné de la personne et de celui du thérapeute. La thérapie par le jeu et la créativité accorde une valeur centrale à la relation créative dans le travail thérapeutique. Le jeu est le centre du développement de l’être humaine et la base de la créativité relationnelle tout au long de la vie. La créativité permet ainsi d’entrer en contact avec la vitalité d’être, l’ouverture relationnelle, et le courage de s’exprimer, de faire face aux difficultés, aux conflits et d’en faire sens. Dans le cabinet-atelier, le patient aura ainsi le choix de médiums d’expression, de modes d’exploration, et de manières d’expérimenter. 

Conclusion

La créativité au sein du 213 ne s’apparente pas à la créativité artistique, à de l’art-thérapie ou à des ateliers de bricolage. Elle s’inscrit dans une philosophie de vie et de rapport aux autres tout en s’appuyant sur des postulats théoriques scientifiques. Elle offre un cadre de travail riche et d’ouverture aux professionnels du 213 et garantit aux familles un accompagnement thérapeutique respectueux.

La créativité étant infinie et inscrite dans le champ de tous les possibles, ne se limite évidemment pas à ces deux types de pratiques au sein du 213 Centre thérapeutique. Il existe autant de potentiels créatifs qu’il existe de thérapeutes au sein du 213 et d’enfants, d’adolescents et de famille qui viennent à notre rencontre. Chaque thérapeute prendra le soin de vous transmettre oralement son cadre thérapeutique ou vous proposera de le vivre pleinement à ses côtés mais quoi qu’il en soit, toujours dans un profond respect de chacun.


Zoé Campus
Zoé Campus

Psychologue clinicienne et Thérapeute du développement


Mélodie Schreiber
Mélodie Schreiber

Neuropsychologue