Les troubles alimentaires de l’enfant

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Le comportement alimentaire est très complexe et se développe déjà in utéro, via l’ingestion de liquide amniotique dont le goût varie selon l’alimentation maternelle.

Les troubles alimentaires peuvent se présenter à tout âge, dès les premiers jours de vie jusqu’à l’adolescence. Dans cet article nous ne parlerons pas de ceux de l’adolescent tels que l’anorexie mentale et la boulimie. Nous nous focaliserons sur ceux qui touchent les plus jeunes, le plus souvent avant 6 ans, dont on parle beaucoup moins dans les media, et qui pourtant sont beaucoup plus fréquents qu’on ne le pense.

L’origine des troubles alimentaires

« Mon enfant ne mange rien », « il ne mange que des pâtes et du pain », « il n’a jamais faim », « il est tellement dégoûté par la nourriture qu’il peut avoir la nausée rien qu’à l’odeur ou la vue du repas », … Tant de plaintes que l’on entend de la bouche des parents lors de consultations centrées sur l’alimentation des enfants.

L’alimentation semble être un comportement inné. Pourtant il est l’un des plus sensibles à l’environnement : le lieu et les circonstances du repas, la relation existant entre la personne qui nourrit ou assiste au repas et l’enfant, les personnes qui mangent avec l’enfant, le moment du repas, ou encore tout simplement ce qui est présenté à l’enfant comme aliments et comment. Tout cela influence la façon dont l’enfant se nourrit et dont il perçoit le moment du repas. De plus, se nourrir nécessite plusieurs compétences spécifiques comme la coordination succion-déglutition-respiration, des aptitudes sensorielles, et un développement psychomoteur adéquat. 

Les troubles alimentaires peuvent donc être causés par la déficience de l’une de ces compétences (on parle parfois d’une origine « organique » ). Mais ils peuvent aussi survenir chez des enfants qui n’ont aucun problème de santé, qui sont a priori tout à fait capables de manger, mais qui présentent malgré tout des difficultés à se nourrir (qu’on qualifie parfois d’origine « comportementale »). Il est important de préciser que ce n’est pas forcément soit organique, soit comportemental. Dans certains situations les troubles sont d’origine multifactorielle. 

Prenons par exemple le cas des bébés prématurés : ils n’ont par définition pas encore acquis toutes les compétences organiques nécessaire pour s’alimenter de manière autonome à la naissance. Ils sont très souvent alimentés de manière artificielle au moins en partie. De plus, ils peuvent présenter des complications médicales sévères (respiratoires, digestives, …) pouvant aggraver leurs difficultés alimentaires. Le parcours néonatal peut être long et difficile, également au niveau psychologique et relationnel tant pour le bébé que pour ses parents. A plus long terme, il a été reconnu qu’ils étaient plus à risque de développer des troubles du comportement alimentaire, même une fois que les problèmes « physiques » sont résolus. Ces situations illustrent bien la complexité de la problématique et la nécessité de retracer l’histoire de ces enfants en détails.

Classification

La classification des troubles du comportement alimentaire (TCA) chez l’enfant est encore vague. Il n’est d’ailleurs pas toujours nécessaire de mettre une étiquette précise sur chaque enfant. Mais il est intéressant de voir que la connaissance scientifique au sujet de ces troubles grandit, et qu’il est apparu une nouvelle catégorie diagnostique dans la dernière version (2013) du livre de référence des maladies mentales (appelée DSM-5) : les troubles évitants ou restrictifs de l’alimentation (plus connu sous son acronyme anglais ARFID pour Avoidant and Restrictive Food Intake Disorder). Il est défini comme un trouble de l’alimentation ou de l’ingestion d’aliments qui se manifeste par une incapacité persistante à atteindre les besoins nutritionnels et/ou énergétiques appropriés, et qui n’est pas du à une pathologie organique concomitante.

Parallèlement à la classification du DSM-5, plusieurs auteurs se sont prêtés à l’exercice périlleux de décrire ces différents troubles alimentaires du jeune enfant. Les termes retrouvés varient donc selon les sources. De manière arbitraire et non exhaustive, inspirée notamment de la classification d’Irene Chatoor, voici quelques situations fréquemment rencontrés dans les consultations de nutrition pédiatrique :

  • L’anorexie du nourrisson : elle se manifeste entre 6 mois et 3 ans, avec un pic entre 9 et 18 mois. Ces bébés semblent ne jamais avoir faim, et ne mangent pas ou peu. Leur comportement alimentaire est très dépendant de l’environnement. Il y a généralement une origine psychologique et relationnelle à explorer. Les parents développent souvent de nombreuses stratégies pour faire manger l’enfant : diversion, distraction, forçage, négociation, chantage, punition…
  • L’aversion alimentaire : dans certains cas, les troubles alimentaires sont plutôt dépendant des aliments présentés. Il y a des aliments dits « copains » qui sont consommés sans difficultés, et tous les autres qui sont systématiquement rejetés. On peut observer des troubles sensoriels associés, comme refuser de toucher certaines textures, alimentaires ou non, avec les mains mais aussi avec les pieds (marcher dans le sable ou l’herbe par exemple).
  • L’enfant « petit mangeur » : certains enfants ne sont pas sélectifs. Ils mangent de tout, mais les quantités consommées sont particulièrement restreintes. Dans la majorité des cas, leur croissance n’est néanmoins pas impactée : ils grossissent et grandissent normalement, bien qu’ils soient en général plus minces que les enfants du même âge.
  • Les troubles alimentaires post-traumatiques : contrairement aux autres TCA, l’apparition est très brutale. Les parents décrivent que c’est arrivé « du jour au lendemain ». Cela survient après un événement traumatisant pour la sphère ORL ou le tractus digestif comme un épisode de « fausse-route » (l’enfant avale de travers et suffoque), ou un simple vomissement, mais aussi après certains actes médicaux comme la pose d’une sonde nasogastrique ou une intubation.

Il est important de noter que certains comportements alimentaires sont normaux dans les stades du développement de l’enfant et ne sont pas pathologiques à moins qu’ils ne s’inscrivent dans la durée. Par exemple, aux alentours de l’âge de 2 ans, on parle de « néophobies alimentaires ». L’enfant rechigne à goûter de nouveaux aliments. Il préfère ne manger que ce qu’il connaît. 

Par ailleurs, les enfants en âge scolaire n’ont souvent pas d’attirance pour les légumes, encore moins s’ils sont verts. Ils trient leur assiette. Ils ne sont pas pour autant considérés comme des enfants présentant des TCA.

Prise en charge

Dans tous les cas, la première question à évaluer par le médecin est « la croissance est-elle impactée ? ». Si oui, il y a une relative urgence à remédier au problème. Dans certains cas, de bons conseils diététiques permettent de rétablir une prise de poids correcte. Dans d’autres, une nutrition « artificielle » (par sonde nasogastrique le plus souvent), sera mise en place pour combler le déficit des apports ingérés par la bouche.

Si les courbes de croissance sont régulières et rassurantes, il faudra s’assurer qu’en termes qualitatifs l’alimentation orale est correcte et qu’il n’y a aucune carence (en fer ou en vitamines par exemple). C’est souvent le cas des alimentations sélectives : la quantité totale de calories est en général suffisante, mais les besoins spécifiques en micronutriments ne sont pas couverts.

S’il y a des troubles sensoriels associés, il est intéressant d’impliquer un.e logopède, kinésithérapeute, ou ergothérapeute, pour aider à désensibiliser la sphère orale. Dans les cas sévères, on passe d’abord par une ré-éducation sensorielle non alimentaire (tactile ou motrice).

Enfin, dans tous les cas, il faudra également explorer l’origine des troubles comportementaux et relationnels. L’aide d’un.e psychologue est souvent précieuse pour comprendre ce qui se joue durant les repas entre l’enfant et ses parents.

Conclusion

En guise de conclusion, nous voyons que les troubles du comportement alimentaire sont différents pour chaque enfant, d’origines multifactorielles et complexes . Ils nécessitent une évaluation complète, un suivi attentif et régulier, et une prise en charge multidisciplinaire.

Si vous avez des inquiétudes ou des questionnements concernant l’alimentation de votre enfant, n’hésitez à contacter la pédiatre-nutritionniste de notre centre, le Dr Zoé Ouchinsky.


Dr Zoé Ouchinsky
Dr Zoé Ouchinsky

Pédiatre spécialisée en nutrition